L’abordage de Caudebec

Aucun pont, on le sait, ne relie les deux rives de la Seine le long de son estuaire. Par contre, un bac fait le service régulier entre Caudebec et Bliquetuit, qui lui fait face. Ce moyen de passage est très apprécié, entre autres, des automobilistes qui sont si nombreux, en ce moment, à parcourir les côtes de Normandie.

Le dimanche 16 août dernier, ce bac, qui cesse de fonctionner habituellement à 8 heures du soir, dut continuer longtemps après cette heure, et en raison du grand nombre des personnes et des voitures à transporter, à assurer le passage.

Dans la nuit déjà presque noire, le bac, signalé seulement par deux feux blancs, avait à peine quitté la rive et se dirigeait vers Caudebec quand les passagers virent surgir tout à coup un cargo marchant à vive allure et qui, semblant ne pas les voir, s’avançait vers eux.

On signala le danger au capitaine du bac. Il ne parut pas s’en soucier. Mais bientôt il fallut se rendre à l’évidence : le Bordhwich, un vapeur anglais, conduit par un pilote de Villequier, menaçait de prendre en flanc le bac imprudent. Le capitaine se décida alors à donner un coup de sifflet et à commander marche arrière. Son ordre fut sans doute mal compris, car l’allure en avant s’accéléra et, malgré les efforts du pilote, l’étrave du Bordhwich aborda avec violence le bac, qui se renversa sur le côté. Une automobile glissa et tomba dans le fleuve. En même temps qu’elle, un certain nombre de passagers furent précipités à l’eau.

Les marins du cargo s’empressèrent au secours des malheureux. La plupart purent s’accrocher aux bordages du bac. D’autres furent sauvés par une chaloupe. Mais on ne put retrouver tous les disparus.