Un accident de chemin de fer
(La catastrophe de Moenchenstein)
Les peintres naïfs du moyen Age ont en leurs danses macabres représenté la Mort qui vient saisir sa proie au milieu des fêtes, à la table du banquet. Le plus célèbre de ces philosophes du pinceau est Holbein, dont les souvenirs sont si nombreux et brillants à Bâle. Or, c’est précisément aux portes de Bâle que vient de se produire un épouvantable sinistre qui fait involontairement penser aux scènes évoquées par les danses macabres. La mort a donné un terrible coup de faux un jour de fête parmi des gens sortis de chez eux en habits du dimanche, pour aller s’amuser. Ils riaient, ils chantaient dans les wagons, quand tout à coup un craquement effroyable se fit entendre, puis ce fut la chute dans le gouffre et la mort parmi les atroces souffrances. Combien de victimes ? Cent cinquante ont péri ou périront, et puis il y a les innombrables blessés, ceux qui ne se remettront jamais de la peur qu’ils ont ressentie, etc., etc. En vérité, s’il y a eu négligence, il y a des hommes bien coupables. Le Birse n’a pas plus de douze mètres de large, mais ses eaux sont extrêmement rapides, un pont le traverse en biais. Ce pont a été construit par une Société française avec des fers allemands; l’alliance n’a pas réussi. Les constructeurs se plaignent de la qualité du fer ; il sera bon aussi de voir si dans un but de spéculation la Compagnie n’avait point fait passer un train trop lourd. Il y avait deux locomotives et plusieurs de ces immenses wagons suisses qui pèsent énormément. Les spécialistes affirment que jamais une construction en fer ne s’effondre sans avoir prévenu elle-même par des affaissements, des ruptures partielles très faciles à constater. C’est pour cela qu’il est ordonné expressément presque dans tous les pays que chaque année les ponts en fer soient soigneusement visités pièce par pièce. A-t-on manqué à la prescription en ce qui concerne le pont de Moenchenstein ? La faute serait grave, car les conséquences ont été bien atroces. Nous n’avons pas à revenir sur les détails de l’épouvantable malheur : les reporters du Petit Journal, avec leur zèle, leur activité, leur conscience ordinaires, ont déjà mis nos lecteurs au courant des moindres incidents, mais le Supplément illustre devait à ses lecteurs un dessin fait sur nature de ce terrible accident, qui plonge tant de familles dans le désespoir.
Exposition temporaire DU 21 OCTOBRE 2023 AU 28 JANVIER 2024 (Passée)