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Un suicide original… et qui finit bien

Un de ces derniers soirs, des gardiens de la paix étaient prévenus par le poste de secours du pont National, à Paris, que le chauffeur d’un train de marchandises passant sur le pont venait de tomber à la Seine, et que son corps n’avait pu être retrouvé. Les gardiens se rendirent aussitôt à la gare de Bercy-Rapée où le train était arrivé. Encore tout ému de la scène dont il venait d’être le témoin, le mécanicien, Jean Maurain, du dépôt de la Chapelle-Saint-Denis, leur fit le récit suivant :  Il était un peu plus de trois heures, le train 1073 que je conduisais venait de s’engager sur le pont National ; j’étais occupé à la surveillance de la route, quand j’entendis mon chauffeur Caradeux m’appeler par deux fois ; je me retournai et je le vis alors basculer hors de la machine et tomber à la Seine. Sans aucun doute, il s’est suicidé.  Le commissaire de police du quartier de Bercy terminait son enquête et, après interrogatoire du mécanicien Maurain et de l’agent Louis qui effectua les recherches dans le fleuve, allait conclure au suicide, quand, dans la soirée, il était avisé que le chauffeur était en vie et qu’il venait de regagner son domicile, 6, rue Leibnitz. En effet, vers 16 h. 3o, M. Caradeux faisait son entrée dans la cour de son immeuble. En vêtements de travail, bourgeron et pantalon de toile bleue, maculé de boue et de charbon, la face tuméfiée, fourbu, le chauffeur fut accueilli avec stupéfaction par ses voisins, à qui il déclara :  Je me suis jeté volontairement dans la Seine, j’ai voulu mourir, mais, une fois dans l’eau, je me suis mis à nager et ai gagné la berge à Ivry. Je suis resté là un certain temps, laissant sécher mes vêtements et prenant un peu de repos: Puis je suis parti à pied vers le bois de Vincennes et de là j’ai regagné mon domicile. On devine la joie de sa femme quand elle revint au logis, abandonnant ses recherches et apprenant la bonne nouvelle. Dans la soirée, accompagné d’une voisine, le ménage se rendit au commissariat du quartier de Bercy où le chauffeur fit à nouveau le récit de son aventure. Dans son quartier, M. Caradeux était très bien considéré, mais depuis quelques jours, il donnait des signes évidents de neurasthénie. Il se croyait constamment menacé. Ancien marin, M. Caradeux a dû être victime d’une crise de paludisme, mais jusqu’à présent il n’avait jamais donné d’inquiétudes à son entourage.

Exposition temporaire DU 21 OCTOBRE 2023 AU 28 JANVIER 2024 (Passée)