Les lacs alpins
Les grands lacs alpins, Léman, Annecy, sont physiquement isolés de la voie de navigation fluviale Rhône-Saône. Les bateaux qui les fréquentent au début de notre siècle relèvent de deux courants historiques différents, l’un alpin, l’autre maritime et latin.
La barque latine
Jusque dans les années trente de notre siècle, le lac d’Annecy et surtout le lac Léman sont fréquentés par de grands bateaux de charge à voiles dont toute la technologie extrêmement élaborée est maritime et latine.
L’architecture de ces grandes barques présente deux caractéristiques morphologiques liées à des technologies d’utilisation particulières qui les expliquent et les pérennisent.
Leur section transversale présente un fond plat étroit avec une quille peu saillante, mais des flancs très évasés entraînent un énorme développement du pont. Cette forme est liée à la pratique exclusive du chargement en pontée, qui présente l’avantage de réduire les opérations de chargement et de déchargement à une simple translation horizontale, alors qu’une mise en cale nécessite en outre deux transferts verticaux énergiquement et financièrement très coûteux.
Cette pratique et la section transversale qui y correspond sont constantes en Méditerranée, sinon exclusives; toutes deux sont liées à la seconde caractéristique qui se rapporte à la silhouette latérale : quille ascendante de l’avant à l’arrière avec un étambot court et une étrave longue et inclinée au brion plongeant.
Cette forme est associée à la pratique de l’accostage par l’arrière et a une répartition longitudinale nettement avancée des volumes de la coque.
L’analyse fonctionnelle de la barque peut s’exprimer de la façon suivante : la différence d’enfoncement qui est inhérente à la fonction de transport lourd ne se fait pas parallèlement à la flottaison comme d’habitude, mais elle est reportée le plus possible vers l’avant; par contre l’enfoncement de l’arrière est faible et ne varie que peu qu’il soit en charge ou à vide.
La hauteur de l’arrière au-dessus de l’eau est donc relativement constante et correspond à l’élévation, également faible et immuable des quais lacustres; son enfoncement, inférieur à celui de l’avant, établit un parallélisme entre la pente du fond et l’inclinaison (inversée) de la quille. La translation du chargement peut ainsi toujours s’effectuer par simple roulage a l’aide de brouettes.
Lorsqu’on pense à l’importance des postes déchargement-déchargement dans l’économie du transport en bateau, surtout lorsque le trajet est court, on voit que la paradoxale (à nos yeux d’occidentaux océaniques) architecture de la barque latine témoigne d’une adaptation fonctionnelle parfaite, garante d’un rendement aussi élevé que possible.
La voile latine, voile de la Méditerranée occidentale, est d’une grande beauté et d’une extrême efficacité, notamment lorsqu’on fait servir deux voiles de taille équivalente comme ici. (Début du siècle}.