Musée de la batellerie et des voies navigables

l’armada des fleuves et des rivières

Les bateaux des fleuves de France

Les conditions de navigation et les besoins de transport sont très divers d’une région à l’autre. En conséquence, les hommes ont utilisé tout un éventail de bateaux différents selon les rivières. Jusqu’à l’industrialisation du XIXe siècle, la navigation intérieure transporte, comme la route, toutes sortes de marchandises. Dans le cadre d’une économie encore fortement régionale, elle profite des besoins croissants d’approvisionnement des villes. Des dizaines de bateaux de conceptions différentes sillonnent nos cours d’eau. Néanmoins, tous sont alors en bois et à fond plat. Dépourvus de moteur, ils utilisent les énergies du vent ou du courant et sont halés par des hommes et des animaux.
La carte des bateaux des fleuves de France représentent les différentes batelleries des régions de France avant le XIXe siècle : chalands de Loire et leurs grandes voiles, barques du Rhône, bateaux marnois et besognes de Seine…
(extraits du livre BATEAUX DES FLEUVES de FRANCE de François BEAUDOUIN)

Les bateaux des fleuves de France
Thilole Petite histoire de la navigation de France de la navigation intérieure chalibardon chaland, halo Galupe Pinasse Gabare de Bordeaux Gabare de gironde Barque de Haute-Garonne Coutrillon Courau de l’Isle Courpet de la haute-Dordogne barque du haut Tarn Bateau charentais yole vendéenne blin de brière Bateau nantais Chaland de Loire Salembarde de la haute Loire Monistrot Barque de Loire Flûte de Berry Bateau double de Pont Réan ou penette Bateau malouin ou Le chaland de Rance Chaland de la Vire Barque de pêche de Seine Galiote de basse Seine Besogne d'oise Bateau charbonnier de la haute Seine Coche d'eau de la Haute Seine Margotat de la Haute Seine Flûte d'Yonne ou de Bourgogne Gribane de la Somme Radeau de St Valéry Bateau d'hortillon d'Amiens Bacop de St Omer Belandre de Dunkerque Péniche du Nord Mignole de Meuse Bricole Rheinberger Bateau de l'III Barque du Rhône Barque du Delta ou Allège d'Arles Arlequin du Doubs Sisselande du haut Rhône Forquette de Saône Liquette Bateau du lac du Bourget Bateau du lac de Genève La barque sétoise Bateau du canal des étangs La barque de poste du canal du Midi Barque de patron

Thilole

La tilhole et le dragueur

La tilhole est un des bateaux les plus curieux qui soient, aussi bien au point de vue de sa structure que de celui de sa morphologie. Ni l’une ni l’autre ne s’expliquent par des raisons fonctionnelles, leur genèse est par contre parfaitement claire : aussi pourrait-on dire de son architecture qu’elle a des causes mais pas de raisons.

La morphologie de la tilhole est directement issue de celle du chaland monoxyle : flancs bombés, avant a levée pointue, arrière a levée a seuil large et arrondi en dossier de fauteuil (selon la forme même du tronc initial). La différence réside dans la largeur qui est beaucoup plus importante, ainsi que dans le bombement transversal du fond, du reste lié géométriquement à cet élargissement.

La structure de la tilhole est issue du passage de la construction monoxyle a la construction assemblée, dans un milieu technologiquement Clos, selon un enchaînement de phases que l’on peut résumer ainsi : rescindèrent du monoxyle primitif et écartement des deux moitiés; intercalèrent de planches intermédiaires dans le fond, disposées de façon longitudinale et liaison de l’ensemble par des planches disposées transversalement et jointives, le tout étant chevillé. Les levées de l’avant et de l’arrière sont constituées par des planches disposées transversalement, doublées a l‘intérieur par des planches disposées longitudinalement; la pointe de la levée avant ‘est ensuite reconstituée par un assemblage de pièces stéréotypées. L’ensemble est renforcé par un grand nombre de queues d’aronde disposées dans les défoncements adéquats, creusés à l’extérieur de la coque. ‘

Une telle structure cumule à peu près tous les inconvénients; poids élevé, énorme quantité de travail et faible cohésion. Le dispositif de propulsion combine lui aussi originalité et efficacité limitée.

Petite histoire de la navigation de France de la navigation intérieure

Géographie de la navigation
La navigation intérieure ne joue qu’un rôle limité dans l’histoire de certains pays. En Europe, c’est le cas de la plupart des pays méditerranéens, essentiellement maritimes et dépourvus de grands fleuves; la grande chaîne de montagnes qui forme l’épine dorsale de la péninsule Europe la longe au Sud et y tombe abruptement.
Au contraire l’Europe continentale du Nord se présente comme une longue plaine entre mer et montagne, traversée dans sa largeur par des cours d’eau régulièrement espacés de l’Adour au Niémen, bien alimentés en eau et à pente relativement faible.
Cette disposition géographique est favorable à la diversification des sociétés, des cultures et des états. Elle permet aussi l’établissement d’une circulation économique, facilitée grâce à la navigation maritime et fluviale qui s’y complète harmonieusement. C’est dans cette géographie bien particulière que la personnalité et le destin de l’Europe se sont inscrits.
La France est le seul pays à participer des deux structures géographiques, du Sud et du Nord. Elle participe également le plus complètement aux deux destins historiques correspondants, le fluvial et le maritime.
La géographie des bassins fluviaux qui compo¬sent notre pays, leur orientation, leur forme, leur topographie, leur hydrographie, constitue l’élément clé de leur destin historique particulier, et de celui du pays dans son ensemble.
Du point de vue de la « géographie de la circulation fluviale », la France se divise en trois espaces de tailles différentes caractérisés par leur orientation :
— Distinguons d’abord une moitié Ouest, le « grand bassin fluvial atlantique » dont les cours d’eau convergent vers un point imaginaire situé au large de nos côtes, aujourd’hui sous la surface de la mer.
— Vient ensuite un quart Nord, caractérisé par l’orientation symétriquement opposée des affluents de part et d’autre d’une ligne de partage des eaux, rectiligne du Sud-Est au Nord-Ouest et au contraire par un certain parallélisme des cours d’eau principaux, Seine d’une part et Rhin de l’autre. L’histoire a introduit un tracé des frontières nationales en contradiction avec l’ordonnancement géographique, parallèle à la ligne de partage des eaux à quelque distance au Nord-Est de celle-ci et qui coupe tous les cours d’eau en deux parties, l’une française et l’autre belge ou allemande.
— Enfin, le couloir Rhône-Saône, longue vallée resserrée entre les Alpes et le Massif Central, puis entre les coteaux de Bourgogne et le Jura, débou¬che abruptement sur la Méditerranée au Sud, et au contraire, s’ouvre largement en éventail par des seuils bas, du Nord-Ouest au Nord-Est vers la Seine et le bassin rhénan. Ce couloir de communication Nord-Sud est le plus important et le seul de l’Europe occidentale qui soit commode.
C’est à cette situation unique que la France doit l’exemplarité de son destin fluvial. En effet, bien que cela soit généralement ignoré, la navigation intérieure a joué un grand rôle dans notre histoire nationale.
Rappelons d’abord qu’ici comme ailleurs, la navigation intérieure n’a pas d’existence indépendante du reste de la collectivité : elle en est partie intégrante, son histoire est liée à celle du pays: Elle a connu trois grandes phases : une longue « ère fluviale » à laquelle vient se superposer un « âge des canaux », et enfin une période de « navigation artificielle généralisée ».
L’ère fluviale
Jusqu’au XVIIIe siècle et même plus tard, chaque bassin fluvial forme un réseau naturel de circulation qui communique par la mer avec le reste du monde. Son port d’embouchure, à la fois fluvial et maritime, commande toute l’économie du bassin. La batellerie est alors essentiellement régionale; elle est née et a évolué par elle-même dans le monde clos de chaque bassin.
Pendant des siècles et dans certains cas presque jusqu’à nous, nos bateliers ont utilisé les cours d’eau offerts par la nature, ou peu modifiés. Ils ont pour cela créé des techniques et des bateaux adaptés à chaque voie d’eau, voire à chaque portion offrant des conditions homogènes. Ainsi peut-on dire que notre pays a d’abord connu un grand nombre de batelleries régionales, très particularisées. La circulation fluviale des productions et des marchandises a constitué pendant des siècles un élément essentiel de la trame économique nationale. Dans bien des cas, elle a été le facteur déterminant de l’implantation ou de l’exploitation des productions de masse : nos grands vignobles sont pour la plupart fluviaux, ainsi que nos forêts exploitées, nos mines et nos carrières, nos plaines à blé ou nos usines. La plupart des villes anciennes, et les plus grandes, sont associées aux cours d’eau de multiples façons : ports fluviomaritimes comme Nantes, Bordeaux ou Rouen; villes-confluents comme Lyon, Tours, Angers, Paris; villes tête de navigation comme Toulouse, Albi, Roanne, Troyes, etc. Ces fonctions fluviales sont, du reste, souvent combinées de façon complexe : implantation de grands moulins, pont important, marchés régionaux et port fluvial par exemple.
Certains de nos cours d’eau connaissent depuis fort longtemps une double exploitation : énergie hydraulique et navigation. Le barrage en maçonnerie et le moulin auxquels sont associés le primi¬tif « pertuis à bateau », puis l’écluse à sas à deux paires de portes busquées (inventée et introduite chez nous par Léonard de Vinci) constituent les éléments caractéristiques très anciens de nos paysages fluviaux. Ce point focal d’une économie territoriale équilibrée associait une zone agricole de production et un marché urbain, un outil mécanique de transformation et un moyen de transport fluvial.
Au XIXe siècle, certains de ces axes fluviaux, créateurs de notre richesse passée, ont été abandonnés pour n’avoir pas fait l’objet de modernisation. Navigation et trafic commercial les ont quittés lentement au profit du chemin de fer, leurs batelleries sont mortes.
L’âge des canaux de jonction
À partir de l’écluse à sas, outil de base de la navigation artificielle moderne, Adam de Craponne, natif de Salon-de-Provence (1519-1559), conçoit théoriquement le « canal à point de partage à alimentation indépendante », ouvrant ainsi une ère nouvelle en navigation intérieure. Henri IV, en mettant en œuvre cette géniale invention dans le « canal de Loyre en Seine » ou canal de Briare, inaugure une politique d’unification économique par la navigation intérieure qui sera pour¬suivie trois siècles durant par l’État français, royal, impérial ou républicain. Au cours des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, les différents bassins fluviaux de notre pays, parfois même des rivières d’un même bassin, seront systématiquement unis par des « canaux de jonction ». Souvent, la raison initiale de ces gigantesques entreprises est d’ordre stratégique : mettre nos adversaires d’alors, nos voisins, hors d’état d’interrompre la circulation économique interrégionale maritime d’une part, et faciliter d’autre part la défense des frontières grâce à une infrastructure logistique puissante. Mais à la faveur de ces canaux, s’établit par l’intérieur une circulation économique nouvelle qui va prendre une importance grandissante. De grands flux commerciaux vont se prolonger à travers le territoire par-dessus les frontières naturelles intérieures que sont les lignes de partage des eaux. Les grandes batelleries fluviales existantes atteignent par cette intensification des échanges interbassins, un haut développement, comme bien sûr, les activités de production correspondantes. Certains de ces canaux de jonction deviennent par eux-mêmes des axes de vie et de production, agricole sur le canal du Midi ou industrielle sur les canaux du Centre, du Berry ou du Nord… Ils ont alors engendré des batelleries spécifiques, des batelleries de canal adaptées aux conditions de navigation particulières, stables dans le temps et dans l’espace, à la différence du milieu naturel. Ces raisons ont permis d’approcher de très près le rendement idéal optimum de la navigation.
La construction systématique de cet immense équipement de canaux de jonction au cours de trois siècles est la plus étonnante, la plus ample et la plus savante entreprise de canalisation qui soit au monde. Elle illustre, mieux que tout autre exemple, la contradiction profonde qui préside à l’histoire de notre nation : une diversité fonda¬mentale surmontée et transcendée au prix d’efforts multiséculaires soutenus par une extraordinaire volonté d’union.
La canalisation généralisée
La troisième phase qui commence au milieu du XIXe siècle est celle du développement de l’industrie lourde, du centralisme et de la concentration capitaliste. Ces bouleversements sont si importants que l’on peut parler de changement de civilisation. La navigation intérieure s’y adapte par des bouleversements tout aussi profonds.
La; civilisation de l’industrie lourde repose en particulier sur la trilogie machine à vapeur, char¬bon, sidérurgie. Une telle civilisation a d’énormes besoins de transports lourds pour ses matières premières et ses produits. En Europe continentale du Nord, ce problème sera résolu par le partage du marché entre la voie d’eau et le chemin de fer, nouveau venu qui s’octroiera les transports les plus rémunérateurs, voyageurs et messageries. En France, le transport par eau sera mis au ser¬vice de l’industrie lourde, notamment grâce au barrage mobile, inventé par Poirée vers 1830, qui permet la canalisation des grandes rivières de plaine, impossible jusqu’alors. Nous parvenons ainsi à ce que l’on peut appeler « la canalisation généralisée » c’est-à-dire la constitution d’un ré¬seau de voies de navigation entièrement artificiel¬les, composé des anciens canaux de jonction, des canaux latéraux et des rivières nouvellement ca¬nalisées. Ses caractéristiques sont parfaitement définies, homogènes dans un espace déterminé et immuables dans le temps, le plus petit dénominateur commun en est le gabarit Freycinet de 38,50 m de long et de 350 tonnes.
La canalisation par barrages mobiles pourvus d’écluses à sas de grandes dimensions va être appliquée systématiquement à la Seine et à ses grands affluents, Yonne, Marne et Oise en un gigantesque programme de travaux qui va couvrir la seconde moitié du XIXe siècle et permettra de centupler le tonnage transporté. Mais seul le quart Nord-Est du pays bénéficiera de cette canalisation généralisée : le bassin de la Seine, la Saône et les parties françaises de l’Escaut, de la Meuse et du Rhin. Les cours d’eau des autres régions de France seront abandonnés à la concurrence du rail et verront leurs batelleries disparaître peu à peu. C’est la fin d’un monde et la naissance d’un monde nouveau, celui des batelleries de canal du Centre et de l’Est, et surtout du Nord, avec la péniche. À l’orée de notre siècle, 12 000 bateaux de canal et 30 000 artisans transportent les gigantesques quantités de charbon et de minerais nécessaires à l’industrie lourde en pleine expansion.
Cette batellerie « de canal » se caractérise techniquement par une organisation particulière de la propulsion. Le bateau porteur est dépourvu de moyen de propulsion propre, il utilise des dispositifs collectifs mis en œuvre par des entrepreneurs spécialisés : en canal, c’est la traction sur berge, autrement dit le halage humain ou animal, puis mécanique grâce aux tracteurs électriques sur rail ou sur pneus et enfin aux tracteurs à moteur diesel. En rivière, la péniche utilise les services du bateau toueur qui se tracte, lui et son train de bateaux, sur son immense chaîne. Ce sera aussi le remorqueur à hélice, à vapeur, puis à moteur.
Cette organisation technique complexe correspond au meilleur rendement énergétique possible. Elle a contre elle sa lenteur relative, l’utilisation d’un grand nombre de bateaux et d’un important personnel. Cette situation entraîne une faible rentabilité des unités et en définitive l’organisation artisanale de l’ensemble.
Le développement et l’épanouissement de la civilisation industrielle lourde ont exigé des conditions naturelles qui, en Europe occidentale, ne se rencontrent que dans la vaste plaine fluviale Meuse-Escaut-Rhin, riche notamment de ses gisements de charbon et de fer.
Cette région naturelle est partagée entre la France, la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg. Nulle part ailleurs dans notre pays, nous ne trouvons réunis de tels avantages, et moins encore dans la région parisienne totalement dé¬pourvue des matières premières nécessaires à l’industrie.
Aussi la canalisation généralisée, en augmentant considérablement les performances du transport fluvial dans le bassin de la Seine, par ailleurs largement ouvert vers le Nord-Est par des canaux de jonction, a-t-elle fait participer notre capitale à la phase « industrie lourde » de l’histoire moderne de l’Occident en la rattachant solide¬ment à l’Europe du Nord. Dans le même temps, les liens fluviaux qui unissaient autrefois de façon privilégiée Paris à la France agricole de l’amont et du Centre, perdaient de leur importance relative et absolue au profit des autres moyens de trans¬ports terrestres.
C’est au cours de la première moitié du XIXe siècle que l’on voit apparaître les nouveautés techniques qui vont transformer la navigation intérieure. La construction métallique, qui se généralisera progressivement jusqu’au cours de notre siècle, la machine à vapeur puis le moteur .à combustion et à explosion, et enfin, les procédés de propulsion qui vont rythmer cette histoire moderne : la roue à aubes, le touage sur chaîne continue puis sur câble et l’hélice propulsive.
La modernisation de la navigation intérieure ne fera que très progressivement disparaître les technologies traditionnelles parfaitement adaptées à un milieu en grande partie créé pour elle et dont le rendement énergétique était extrêmement élevé. Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que l’on cessera de construire des grands bateaux de bois dans notre pays.
Le bateau fluvial
La navigation intérieure, comme nous venons de le voir, et par conséquent le bateau fluvial, s’inscrivent dans le vaste cadre de l’histoire économique; c’est à ce niveau que se situent leurs raisons d’être, ou de ne pas être.
Nous verrons dans le cours même de ce livre, que le bateau fluvial est infiniment diversifié. Cette variété est en grande partie due aux différences du milieu fluvial dans ses dimensions : du ruisseau au vaste fleuve; dans sa morphologie : du torrent à l’estuaire et du lac de montagne au marais; selon les saisons : de la crue à l’étiage, ainsi qu’à son état essentiel : naturel ou artificiel, ou son statut administratif : navigable ou non navigable.
Cependant, au-delà de cette diversité, il existe une spécificité du bateau fluvial et des techniques de navigation intérieure par rapport à la navigation maritime.
C’est dans la morphologie générale du milieu fluvial qu’il faut en chercher les causes : l’eau douce se présente toujours sous la forme d’une veine de largeur et de profondeur limitées, s’écoulant continuellement dans la même direction. Au point de vue des qualités navigables, il en résulte l’absence d’agitation de la surface et la proximité du bord et du fond. Sur le plan de la technologie nautique, les caractères suivants en découlent : possibilité d’utiliser les procédés de propulsion par appui au sol, perche et halage dont le rende¬ment est très élevé; possibilité de construire des bateaux peu rigides — la cohésion mécanique n’étant pas menacée par l’agitation superficielle —, très légers et très bon marché, d’où l’importance limitée de l’hydrodynamique et la géométrisation poussée des formes, etc.
Enfin, historiquement le bateau fluvial n’est pas apparu un jour tout constitué, en un seul lieu. Il est né et a évolué maintes fois selon des directions et des phases obligées, schématiquement descriptibles. En d’autres termes, il possède non seulement une logique morphologique, structurelle, fonctionnelle, mais également une logique du devenir.
Les monoxyles
Le bateau fluvial primitif apparaît sous la -forme d’une pirogue monoxyle creusée dans un tronc d’arbre. Le matériau, la bille de bois cylindroconique et le procédé de construction par enlèvement de matière déterminent étroitement ses caractéristiques générales : taille et poids, proportions, forme et structure, et par conséquent performances.
Cette pirogue fluviale est un objet simple dont les variantes sont relativement peu nombreuses.
En dehors de l’imitation de formes maritimes dont nous ne connaissons pas d’exemple chez nous, nous pouvons en distinguer trois types morphologiques principaux, attestés par de nombreuses découvertes archéologiques. Il semble que ces trois formes se situent (dans une très large chronologie historique) les unes par rapport aux autres dans un ordre logique qui traduit une adaptation mieux comprise au milieu et une meilleure efficacité fonctionnelle. Cependant, il ne faut pas en inférer automatiquement un « progrès » où une phase « perfectionnée » se substituerait à une autre, plus « primitive », dont elle serait issue.
La première forme est celle qui s’éloigne le moins du tronc lui-même : section ronde, forme des extrémités sphérique. Elle donne le volume utile maximum par rapport aux dimensions du tronc initial et possède une bonne pénétration à l’avancement. Elle a l’inconvénient d’une stabilité faible et d’un tirant d’eau supérieur aux suivantes.
La seconde apparaît comme un perfectionne¬ment de la première (il existe des transitions in¬sensibles) : le fond est aplati à l’intérieur et à l’extérieur, alors que les côtés restent bombés. Cet aplatissement présente l’avantage d’une station et d’un déplacement plus aisés des occupants ainsi qu’une meilleure stabilité et un moindre tirant d’eau. Le maintien de la forme arrondie des côtés permet de profiter au maximum du volume du tronc.
La troisième se caractérise par une géométrisation plus poussée encore, à base de droites et de plans rectilignes. Le fond est plat intérieurement et extérieurement; les flancs, plans également, se raccordent à lui par un angle net. Ce bateau est donc toujours de forme rectangulaire selon les trois directions de l’espace où on l’observe : en plan, en profil ou en coupe. Cette géométrisation poussée présente l’avantage, à la construction, de faciliter le contrôle des épaisseurs du fond et des côtés, sans avoir recours au perçage ou au compas d’épaisseur. Pourtant, elle ne peut être entière¬ment mise au compte d’un progrès technique se traduisant en termes d’avantages mesurables, loin de là; en particulier, elle fait perdre une partie du volume et de la largeur du tronc, et n’est pas spécialement favorable à la progression. Elle relève plus, semble-t-il, d’une attitude mentale, d’une esthétique euclidienne que d’une nécessité intrinsèque.
Ces trois formes de pirogues monoxyles sont attestées dans notre pays où elles ont donné naissance à des familles de bateaux assemblés.
Le principal inconvénient de la construction monoxyle est d’interdire la construction de bateaux d’une dimension supérieure à celle du tronc initial. Cet inconvénient est particulièrement sensible pour la largeur du bateau dont l’optimum souhaitable dépasse presque toujours le diamètre habituel des troncs de chêne. La mauvaise cohésion du bois dans le sens perpendiculaire à ses fibres et sa fragilité lorsque le « fil » est coupé dans les extrémités, constituent d’autres inconvénients propres à la construction monoxyle.
La solution à ces problèmes consiste à passer de la construction par enlèvement de matière, à la construction par assemblage de pièces différenciées.
La genèse du bateau assemblé
Outre les difficultés psychologiques et conceptuelles inhérentes à un tel passage, il suppose la disposition et la maîtrise de techniques spécifiques : techniques d’assemblage, d’étanchéité et surtout élaboration d’une architecture rassemblant des pièces distinctes qui remplissent des fonctions structurelles différentes.
Les techniques d’étanchéité utilisées en milieu fluvial sont de deux sortes : l’une d’origine maritime, l’autre spécifiquement fluviale. La technique maritime consiste à insérer de force au maillet et au fer à calfater, une étoupe de chanvre ou de coton, entre les planches qui constituent le bordage du bateau. La technique fluviale fait appel à une matière différente, la mousse des bois (plus tardivement le feutre), et à une mise en œuvre particulière, par apposition sur les coutures, à l’intérieur du bateau, ou par interposition entre les chants des planches, dans un espace spéciale¬ment ménagé.
Dans les deux cas, la mousse est maintenue et comprimée soit par une planchette, la palâtre, soit par une baguette de bois, le ganel, l’une et l’autre clouées. Ces procédés présentent l’avantage d’être peu sensibles aux mouvements relatifs des pièces en contact, qu’ils soient dus aux déformations mécaniques de l’ensemble ou aux variations dimensionnelles des pièces de bois alternativement sèches et humides. Elles peuvent de ce fait, être choisies très larges, ce qui est une caractéristique fondamentale de la construction des bateaux fluviaux.
Pour l’assemblage des pièces de bois entre elles, deux procédés peuvent se rencontrer : l’assemblage par clou de fer, de section carrée, la carvelle, et l’assemblage par chevilles de bois, la gournable.
Mais l’essentiel de l’évolution technologique qui préside à l’apparition du bateau fluvial assemblé est lié à la différenciation structurelle.
L’élargissement d’une pirogue monoxyle se présente de deux façons différentes selon sa forme primitive : à section ronde ou à fond plat et à section carrée.
Le premier cas, relativement fréquent dans le monde, semble ne s’être produit dans notre pays que pour une seule famille; nous en parlerons plus loin sans chercher à établir une modélisation théorique. Disons seulement qu’il se caractérise par l’apport de bordés latéraux qui viennent se juxtaposer au monoxyle central, par paires symétriques. Cette évolution favorise l’apparition de structures axiales, continues ou non : étrave, quille, étambot…
Le second cas se rapporte aux monoxyles en auge, de forme rectangulaire. C’est le plus fréquent chez nous et il est à l’origine de la plupart de nos bateaux fluviaux élaborés. L’élargissement du monoxyle rectangulaire se fait par scindement axial de la pirogue primitive puis en intercalant une ou plusieurs planches axiales. Remarquons d’emblée que dans ce cas, il y a une rupture à la fois matérielle et conceptuelle, et non passage progressif d’un état monoxyle à un état assemblé, comme dans le cas de la pirogue ronde. Cette rupture implique nécessairement l’invention de pièces de liaison transversales, les râbles.
Les côtés du bateau, le bord et la partie adjacente du fond sont encore constitués de pièces sculptées. Cette étape particulière détermine une architecture d’éléments monoxyles assemblés qui peut fort bien être stable et permanente. Mais ce n’est qu’une fois le travail de différenciation structurelle du bord et du fond au dièdre du bouchain achevé que le bateau fluvial va pouvoir parvenir à un nouveau stade technologique. Cette étape va se caractériser par la réalisation et l’assemblage de vastes surfaces planes selon une géométrie particulière, qui nécessite l’invention de la courbe, équerre destinée à assurer l’invariabilité du bouchain.
Les éléments essentiels de cette géométrie du bateau sont les suivants :
— surfaces développables, ou non;
— bouchain à angle droit avec bords verticaux,
Ou bords évasés selon un angle plus ou moins ouvert, constant ou variable;
— courbure des flancs (vus en plan) et des levées selon un rayon plus ou moins grand, avec ou sans parties rectilignes;
— forme des extrémités semblable ou différente, avec levée à seuil large ou en pyramide ou à arête verticale, étrave ou étambot, ou à tableau.
Nous verrons au cours de notre étude que cette géométrie particulière constitue l’essentiel de la technologie du bateau fluvial.
Propulsion et direction du bateau fluvial
La propulsion et la direction sont deux fonctions étroitement liées, elles sont distinguées ici pour la commodité de l’exposé. Avant l’avènement des moteurs thermiques, la propulsion des bateaux fluviaux était assurée par le courant, la voile, la perche et le halage. L’aviron et la pagaie n’étant utilisés que pour des petits bateaux en eaux immobiles ou pour une navigation avalante.
L’utilisation systématique du courant donne naissance notamment à une forme très particulière de navigation à sens unique, où les bateaux sont construits au point haut de la rivière (souvent le lieu des plus importants chantiers de construction en milieu fluvial), pour un seul voyage avalant, après lequel ils sont détruits. La voile ne peut être utilisée normalement que dans le cas d’un vent assez fréquent, orienté en sens inverse du cours de la rivière, car les bateaux fluviaux, très peu profonds, ne peuvent guère naviguer qu’aux allures portantes. Deux techniques sont spécifiquement fluviales, elles font appel à « l’appui sur le sol » et au moteur animal ou humain : ce sont le halage et la propulsion à la perche.
La propulsion à la perche est employée sur des bateaux de taille petite et moyenne dont elle conditionne parfois très étroitement l’architecture. Ce procédé est particulièrement utilisé sur les rivières dont les berges ne comportent pas de chemin de halage, c’est-à-dire les rivières sauvages. Hors la propulsion proprement dite, la plu¬part des bateaux de navigation intérieure possèdent des dispositifs directifs particuliers à base de perches.
Le halage sur berge est le procédé le plus couramment employé pour la remonte des rivières. Le halage humain peut s’employer sur des rivières non aménagées car l’homme est capable de se déplacer sur n’importe quel terrain. Son efficacité peut être augmentée par simple addition de haleurs. Le halage animal, par bœufs ou par chevaux, permet d’obtenir une très grande puissance de traction, mais il nécessite l’établissement d’un chemin continu, large et bien dégagé tout au long du rivage.

chalibardon

Le Chalibardon est un bateau de transport de grande taille. Il apparaît pour la première fois dans l’album dit de Colbert en 1679 et se présente alors comme une tilhole très allongée. À la fin du XVIIIe siècle, Vernet le représente “considérablement agrandi par surélévation de son flanc bombée monoxyle et par élargissement, grâce à l’adoption des membrures
transversales et courbes.
C’est un bateau de taille importante, 20 à 25 mètres de long, qui descend de la même embarcation monoxyle que le chaland, la tilhole et la galupe. Il présente des bouchains arrondis sculptés et se manœuvre soit à la perche, soit au halage, soit à la voile quand c’est possible.

chaland, halo

Les chalands et les halos présentent les mêmes proportions que le chaland monoxyle et sont probablement à peine plus grands que certains de leurs homologues entièrement
monoxyles, contemporains ou légèrement antérieurs. La nécessité de la construction par pièces multiples assemblées est probablement due à la raréfaction et par conséquent au renchérissement des fûts de chêne de grande dimension. Il est probable que les
constructeurs aient été ainsi amenés à réutiliser systématiquement les parties récupérables de chalands monoxyles vétustes.

Galupe

La galupe semble être le résultat de la conjonction de deux technologies différentes, celle du chalibardon pour la forme générale et celle du courau pour la construction des flancs à clin.

Pinasse

La pinasse de l’Adour est une grosse embarcation aux flancs-bombés et au fond plat. Elle est destinée au transport des passagers qui sont protégés par un solide cabanage de planches, posées sur des arceaux de bois. Elle est propulsée par une voile carrée hissée sur un mât placé au premier quart avant, ainsi que par quatre rameurs. Il est curieux de constater que ce type de bateau utilisé dans cette fonction de transport de passagers s’est généralisé dans presque toute la France, du Moyen Age jusqu’aux XVIIIe et XIXe siècles.

Gabare de Bordeaux

La gabare de Bordeaux, qui ne navigue guère en dehors des limites du port, a une coque encore plus massive et plus porteuse que la gabare de Gironde proprement dite. La gabare, comme la lanche girondine sa proche parente, présente cette forme architecturale si particulière que nous avons déjà rencontrée en Méditerranée, où l’arrière du bateau a moins d’enfoncement que l’avant.
Les gabares portuaires de Bordeaux ont des coques extrêmement massives.

Gabare de gironde

La Gironde est une vaste mer intérieure bordée de vignobles où viennent se jeter deux grandes rivières navigables, la Garonne et la Dordogne, riches également en vignobles parmi d’autres cultures. Près du confluent de ces rivières se trouve Bordeaux, le grand port du vin. Cette activité économique vineuse a engendré une navigation d’un genre particulier, sorte de cabotage intérieur se situant à mi-distance du cabotage maritime et de la batellerie fluviale, assurée par un bateau spécifique, la gabare de Gironde.
La gabare de Gironde répond à un programme d’utilisation proche de celui du chasse-marée nantais, elle a pour but d’assurer le trafic commercial entre les minuscules ports d’embarquement qui parsèment les rivages de la mer intérieure et le port de Bordeaux où stationnent les grands navires caboteurs ou long-cour-riers. La navigation de la gabare est considérablement facilitée par l’existence des courants alternatifs de flot et de jusant engendrés par la marée.
Comme les bateaux précédents, la gabare de Gironde est issue des bateaux pointus à voiles carrées qui fréquentaient nos côtes aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’évolution des formes de sa coque se limite à un écrasement qui a pour but de diminuer le tirant d’eau, et à un élargissement qui augmente la capacité de charge.
L’évolution de la voilure est plus complexe. La voilure de gabare la plus ancienne que nous connaissions est celle d’un énorme misainier. Certains bateaux ont leur mât implanté à l’extrême avant, avec une forte quête vers l’arrière ; dans la plupart des autres, il est situé juste en avant du panneau de cale avec une quête moindre. C’est à partir du gréement de chasse-marée que l’évolution de ce gréement s’explique le mieux. Le grand mât étant supprimé, la misaine s’agrandit, son mât s’incline sur l’arrière.
Le gréement de cette voilure présente plusieurs originalités, la première réside dans le système de basculement du mât destiné à franchir les ponts ; le bas du mât est serré entre deux hautes jumelles appelées « les mécaniques », un système de palan en chaîne incorporé dans le pied du mât et actionné par le treuil de charge, établi immédiatement en arrière des mécaniques, qui permet de mâter et de démâter avec aisance.

Barque de Haute-Garonne

Barque de Haute-Garonne (ou miolle) est une grande barque. Sa forme générale, assez géométrique, n’est pas sans rappeler un peu le marnois de la haute Seine. Elle se caractérise cependant, entre autres détails, par une petite étrave qui termine la levée avant. Elle peut atteindre près de 20 m de long et porter autant de tonnes.

Coutrillon

Il est très rare que les appellations locales générales correspondent à des familles technologiquement homogènes. Un modèle de bateau bien défini peut recevoir des noms différents et à l’inverse des bateaux différents peuvent être regroupés sous un même nom, par exemple gabare qui désigne sur notre côte atlantique des bateaux de transport, de port ou de rivière. Aussi sommes-nous souvent obligés soit de définir strictement une appellation imprécise, soit au contraire d’étendre un terme aux dimensions d’un genre ou d’une famille. C’est le cas du mot coutrillon qui désigne traditionnellement un type de bateau du canal latéral à la Garonne. Il s’appliquera ici à l’ensemble des bateaux qui lui sont technologiquement apparentés : c’est-à-dire des bateaux à levée avant à seuil large, à l’arrière constitué d’un tableau rectangulaire plus haut que large ou carré, enfin à flancs très peu évasés ayant un angle d’ouverture variable. À la fin du XIXe siècle, cette famille est représentée dans le port fluvial de Bordeaux par des bateaux de toutes tailles, du bachot annexe au grand bateau de canal, en passant par des allèges fluviales de dimensions diverses. La construction de tous ces bateaux construits de façon à la fois grossière, puissante et stéréotypée me font dire qu’il existe « un style » coutrillon. Nous sommes cependant incapables de reconstituer le passé, même proche, de ce groupe, faute de documents antérieurs à la fin du XIXe siècle. Des interférences et des emprunts produits avec les ensembles technologiques voisins rendent de plus l’analyse historique difficile. Notons que la construction de ces bateaux implique l’utilisation du chauffage par le feu pour le ployage du fond à la levée avant.

Courau de l’Isle

C’est un bateau de transport d’une construction très robuste dont les dimensions et la morphologie sont adaptées à la navigation dans l’Isle canalisée jusqu’à Périgueux. Fréquentant également la Gironde ainsi que la partie basse de la Garonne et de la Dordogne, le couteau est équipé d’une voilure intéressante. Elle est composée d’une très grande voile au tiers hissée sur un mât rabattable implanté en avant de la cale et très incliné sur l’arrière ; nous retrouvons le même gréement sur la gabare de Gironde primitive. Cette voilure initiale est complétée par un tape-cul du même type, de toute petite taille, implanté à l’extrême arrière ; ce tape-cul est compensé à son tour par une misaine à peine plus grande installée à
l’extrême avant, contre l’étrave. Nous sommes là devant un exemple du doublement et du triplement du phare central, à sa phase initiale. Le courau de l’Isle est une variante du courau fluvial adaptée à la navigation sur l’Isle canalisée jusqu’à Périgueux : là comme ailleurs, le volume de coque a augmenté jusqu’au maximum compatible avec le gabarit des écluses de l’Isle, tout en conservant le minimum de qualités nautiques indispensables à la navigation à voile dans l’estuaire.

Courpet de la haute-Dordogne

À la fin du XIXe siècle et au début XXe siècle, les bateaux de la Haute-Dordogne forment une famille architecturalement
homogène tant pour la morphologie que pour la technologie de la construction, seuls diffèrent la taille et le degré de finition. Cette famille est fortement particularisée, on ne connaît pas d’autres bateaux d’une architecture semblable dans notre pays. La section transversale des courpets est rectangulaire, fond plat, bords verticaux. La vue en profil longitudinal est tout à fait caractéristique. Le fond remonte aux deux extrémités et forme les deux levées, celle de l’arrière beaucoup plus haute que celle de l’avant. La tonture rectiligne et horizontale depuis l’avant se relève brusquement au niveau de la levée arrière. La ligne de fond achève de définir une silhouette originale : elle est rectiligne mais légèrement divergente par rapport à la ligne du bord dans la moitié centrale puis remonte doucement à la levée avant selon la courbe naturelle des planches du fond sur un quart de la longueur; la levée arrière est beaucoup plus franche et se termine en ligne droite. Vus en plan, les bords se referment en pointe aux deux bouts. Le bateau a donc les deux extrémités pointues aussi bien en plan qu’en profil. Le plan s’inscrit dans un trapèze légèrement plus large à l’arrière qu’à l’avant. La courbure des flancs présente les mêmes caractéristiques que celles du fond, progressive et naturelle à l’avant, plus nette à l’arrière et se termine par des lignes droites. Il semble que la Dordogne ait connu dans son cours moyen et antérieurement à la domination exclusive du courau, une architecture fluviale spécifique dont le courpet éphémère serait issu. Les statistiques de la navigation des argentats montrent que le tonnage unitaire de ces derniers a doublé autour de 1890 alors que nous savons par ailleurs que seule la largeur s’est légèrement accrue. Une telle augmentation de tonnage n’est possible que si la morphologie des courpets a été modifiée. Nous pensons qu’auparavant ils étaient construits avec les flancs nettement évasés.

barque du haut Tarn

Les barques du Haut-Tarn Les gorges du Tarn nous offrent un bon exemple de petite navigation dans une partie de rivière administrativement non navigable. Il s’agit d’une navigation touristique se pratiquant à la descente seulement, à gré d’eau, les bateaux remontant à vide, en file, halés par un cheval marchant dans l’eau peu profonde. Le bateau du Haut-Tarn, barque de planches débitées à la scie, assemblées par clouage, est de forme rectangulaire, à levée et tableau; les flancs verticaux sont d’une seule planche légèrement arquée en plan; le fond est bordé en travers. Il n’y a aucun renfort intérieur à l’exception du seuil qui reçoit la chaîne d’amarrage; l’arrière est parfois légèrement surélevé de façon à augmenter son volume haut ce qui permet le franchissement des barrages. La barque est manœuvrée exclusivement à la perche. Cette structure particulière qui fait alterner des planches de fond, disposées transversalement sans pièce de liaison transversale intérieure, rappelle ce que nous avons déjà vu sur l’Adour; la logique de ce parti structurel est seulement poussée ici à son terme. Soulignons dès maintenant que ce type de barque ne se rencontre qu’en milieu réputé non navigable. Il est directement issu du monoxyle primitif au même titre que la structure élaborée, fond et flancs en long et râbles de liaison, générale en milieu fluvial navigable.

Bateau charentais

Le terme gabare de Charente désigne en fait trois types de bateaux fluviaux de ce fleuve :
la barque de lace,
la gabare de Port d’Envaux,
la gabare de Saint-Simon.
Le bateau représenté correspondrait à une gabare de Saint-Simon. Dès la fin du XVIIIe siècle, sous la direction de l’ingénieur Trésaguet, la Charente reçoit ses premières écluses à sas en remplacement des anciens pertuis, de même que la Boutonne, son affluent rive droite, qui descend de Saint-Jean d’Angely. Cette modernisation considérable rend les conditions de navigation bien plus confortables.L’ancienne barque à Lace va évoluer en gabare de Port d’Envaux. Mais un autre type de gabare va apparaître aussi, la gabare de Saint-Simon.La gabare de Saint-Simon est une adaptation à la navigation fluviale du lougre de cabotage, comme en Bretagne le chaland de la Rance. Ainsi peut-elle fréquenter l’estuaire aussi bien que les rivières Charente et Boutonne, et le canal de Seudre et Charente. Gréée avec une ou deux voiles au tiers, elle mesure 33 m sur 6 et porte 150 tonnes.

yole vendéenne

Selon l’usage auquel la yole est destinée, la plate maraîchine est plus ou moins grande. Les plus grandes peuvent atteindre une dizaine de mètres. Ses flancs sont évasés, elle présente un avant à seuil large pour faciliter le chargement et le déchargement. L’arrière est pointu car le maraîchin s’y tient le plus possible dans l’axe du bateau afin de réduire les manoeuvres de redressement, que ce soit à la « pelle » (la pagaie) ou la « pigouille » (la perche). La yole maraîchine aura connu une grande variété de matériaux pour sa construction : le bois d’abord, bien sûr, puis le béton armé, l’acier, le polyester et le polyéthylène.Le dernier charpentier de yoles en bois, établi à La Garette, a pris sa retraite à la fin des années 1990. Aujourd’hui, la yole est construite majoritairement en plastique, et pour une utilisation touristique. Elle y a perdu beaucoup de son élégance d’origine.

blin de brière

LE BLIN DE BRIÈRE
En première analyse, le « blin » de Brière possède la même forme que le bétou des étangs du Languedoc. A y regarder de plus près, on s’aperçoit que sa forme n’est pas symétrique : vue en plan, la partie la plus large du bateau est située en avant du milieu. En profil, l’étambot est vertical, mais l’étrave est inclinée. L’étroitesse de l’arrière qui en découle entraîne un enfoncement qui facilite la propulsion à la perche. Dans les blins les plus grands, les flancs étaient composés de deux planches assemblées à clin ; ils étaient équipés de deux voiles à livarde rectangulaires et de même taille, alors que les plus petits n’en possédaient qu’une seule. Aujourd’hui, ils sont parfois équipés d’un petit moteur hors-bord. Il est impossible d’éluder l’hypothèse d’une parenté historique entre la barque des Pictons et le blin de Brière.

Bateau nantais

Dans toute la longue histoire de la marine de Loire, le bateau nantais est le seul pour lequel nous disposons d’une description précise et directe de sa construction, grâce à M. Gandon de Montjean, qui semble avoir construit le dernier de ces bateaux de bois, en 1929. La description résumée qui suit est donc d’une grande valeur pour éclairer la tradition de la construction ligérienne antérieure qu’elle prolonge. Comme les autres bateaux durables de la Loire, le bateau nantais était construit en chêne champêtre ou de taillis et non en chêne de futaie. Plus dense, il coule, contrairement au second et surtout, il est plus durable et plus solide. Les bois sont utilisés verts, c’est-à-dire non séchés et frais débités pour le fond, demi-secs pour les bords. Ces bois provenaient de la rive Nord de la Loire, des « landes » et des « châteaux ». Ils étaient acheminés jusqu’aux scieries de Montjean par des attelages de Chevaux dont le rayon d’action quotidien était de 20 à 30 kilomètres au maximum. La taille minima des arbres utilisés était d’environ cinquante centimètres de diamètre au gros bout, sans l’aubier. La première opération consiste à faire le chantier en coëttes et billots. Il est constitué de coëttes de chêne de 5 m de long et de 20/30 cm de section, posées de chant sur des billots à 60 cm au-dessus du sol; ces coëttes sont espacées de 3 m. La face supérieure des coëttes est soigneusement alignée afin de constituer un plan horizontal aussi parfait que possible. Les planches qui forment les côtés du fond, les douces, sont posées en premier lieu; elles ont une section particulière et sont découpées deux par deux à la scie mécanique dans les pièces de chêne de 30/13 cm de section par un trait de scie oblique en chanlatte. Les douces sont posées sur les coëttes à l’écartement voulu. Les bords du bateau nantais étant verticaux, cet écartement est égal à la largeur du bateau, moins l’épaisseur des planches des bords, soit 4,50 m — (50 mm x) = 4,40 m environ. Les douces longitudinales, rectilignes et parallèles, sont formées de trois pièces de 6 m de longueur. Leur aboutage, l’enseignement, se fait par renture, en biseau chevillé sur chant. Elles s’arrêtent à trois mètres de chaque extrémité et sont alors prolongées par les douces d’arrondissage qui déterminent les côtés du fond à l’avant et à l’arrière. Elles ont la même section que les douces de côté mais sont découpées dans des pièces courbes; leur pourtour est tracé à la latte souple après qu’un quadrillage orthogonal ait été dessiné au cordeau et gravé à la rainette pour assurer la’ symétrie. Douces longitudinales et douces d’arrondissage forment le cadre du fond. Une fois mises en place, elles sont chevillées solidement aux coëttes; on procède alors au remplissage de l’intervalle. À l’aide de planches de chêne de 45 mm d’épaisseur, 137 non délignées, ajustées les unes aux autres à la zague, grande scie égoïne manœuvrée par deux hommes; on se sert du bord de l’une pour tracer le bord contigu de la suivante en allant du côté vers le centre. Les bords de fond sont assujettis les uns aux autres, et aux douces, à l’aide de goujons, chevilles de bois de 11 cm de longueur et de 12 à 13 mm de diamètre, disposés de pied en pied à bout perdu. Le bord central, le perclos, est déligné; contrairement aux autres, il est mis en dernier, à la masse, afin d’obtenir un bon serrage de l’ensemble, puis il est cloué tous les 20 cm dans les planches contiguës à l’aide de grandes carvelles enfoncées obliquement. Le fond ainsi terminé, l’avant est légèrement relevé de 20 cm environ, et l’arrière de 15 cm. Les rentures des douces sont ensuite doublées intérieurement par une forte planche de chêne de 35 mm d’épaisseur, et de un mètre de longueur environ, sur 0,50 cm de largeur, clouée en quinconce, serrée après interposition d’une feuille de, feutre goudronné. Les deux extrémités sont doublées elles aussi intérieurement mais transversalement et sur toute leur surface par un platelage de planches de chêne de 35 mm d’épaisseur sur 3,20 m de longueur environ, cloué en quinconce, serré après interposition d’une feuille de feutre goudronnée. Le fond terminé, on procède à la mise en place de l’étrave et de l’étambot. Ce sont deux fortes pièces de chêne de 30 cm sur 30 cm. Elles sont fixées aux douces par deux grandes chevilles de chêne, enfoncées de bas en haut à bout perdu. Elles sont maintenues en place par des étais de bois provisoires, les pointeaux. On trace et on creuse les râblures au ciseau. Puis on procède à la construction des côtés et à leur mise en place. Les côtés du bateau nantais sont formés de cinq bords pour une hauteur au milieu de 1,70 m; de bas en haut, la verge de 50 mm d’épaisseur, les trois ventraises de 45 mm et le gros bord de 80 mm –La verge et les trois ventraises sont préparées eV mises en place successivement et symétriquement par deux équipes de deux charpentiers en commençant par les extrémités, ajustage et clouage dans les râblures d’étrave et d’étambot, et en se dirigeant vers le centre. Les boulons en fer noir de 11 mm de diamètre sont espacés de 20 cm et disposés les uns au-dessus des autres. Les *bords sont maintenus provisoirement en place à l’aide de pointeaux. Le gros bord est le plus épais (80 mm). Il présente une forme générale particulière, étant plus large au centre qu’aux extrémités de façon à donner une bonne résistance au fléchissement des extrémités du bateau. Son bord supérieur détermine d’autre part 1′ ensellement (la tonture) général du plat-bord du bateau, dans sa partie rectiligne. Cet ensellement est d’environ 20 cm; la courbe en est tracée au cordeau et à D’autre part, il est disposé

Chaland de Loire

Si nous imaginons le chaland de Loire ancien identique à une barque de pêche ligérienne moderne, de grandes dimensions, nous avons un bateau portant relativement peu, mais dont les performances de navigation sont élevées : bonne vitesse sous voile, possibilité d’utiliser le vent jusqu’à l’allure du vent de travers lorsque le bateau
est en charge, halage aisé avec une puissance limitée. Une estimation des tonnages à vide et en charge des chalands à voile de ce type d’après des descriptions du XVIIe siècle, donne pour les dimensions linéaires : de 22 à 30 mètres de longueur sur 3 à 4 mètres de largeur et 1,20 mètre à 1,50 mètre de hauteur. Poids : 5 à 10 tonnes de poids de coque à vide, soit 25 à 50 tonnes de charge utile, et 30 à 60 tonnes de déplacement en charge. Le chaland atteint sa forme classique puis une plus grande taille au XIXe siècle, à la suite d’une évolution dont on peut saisir les grandes lignes, relativement simples. C’est l’augmentation du tonnage des unités qui entraîne progressivement des modifications morphologiques et organiques. Ce renforcement de la capacité de charge, c’est-à-dire du volume du bateau, s’accroît surtout dans le sens de la largeur, un peu au niveau des bords, mais particulièrement au niveau du fond. Il semble que l’on parvienne à un doublement de la capacité de charge sans accroissement notable de la longueur. C’est le chiffre d’une centaine de tonnes de déplacement en charge qu’il faut garder à l’esprit pour comprendre les raisons des modifications organiques concernant l’appareil propulsif, la voilure, et l’appareil directionnel, la piautre, car la puissance de ces organes est en proportion de cette dernière valeur. Il existe une logique géométrique qui préside à l’architecture du bateau fluvial, l’évasement des flancs, leur forme arquée, et la tonture, sont un seul et même phénomène morphologique selon les trois directions de l’espace, en section, en plan et en profil. Nous ne les dissocions que par une convention analytique à la fois verbale et graphique, plus ou moins inconsciente. En fait, si l’on évase un bateau, on obtient nécessairement forme en navette et tonture. Les valeurs de ces trois paramètres sont liées géométriquement entre elles: si on augmente l’une on augmente les autres dans les mêmes proportions. Si nous intégrons la largeur relative, la proportion l/L, nous obtenons la formule qui caractérise le bateau fluvial considéré. L’adaptation du bateau fluvial à son milieu et à sa fonction s’effectue presqu’entièrement à travers le jeu subtil de ces paramètres fondamentaux et dans ses transformations historiques progressives

Salembarde de la haute Loire

L’histoire de la navigation des grandes sapines des Hauts de Loire et d’Allier est étroitement liée à l’histoire du charbon de terre-des mines d’Auvergne. Sa substitution progressive au charbon de bois et au bois, comme combustible principal, va jouer, au cours de la première moitié du XIXe siècle, un rôle économique important. Le marché parisien tient une part essentielle dans ce vaste mouvement. L’ouverture du canal de « Loyre en Seine » (canal de Briare), en 1642, marque le début de la batellerie du charbon du Haut-Allier. La batellerie de Haute-Loire commence en 1704 après le « déroctage » du lit de la Loire par la Compagnie Lagardette. L’éloignement des mines du Centre, situées à 550 kilomètres au moins de Paris, n’est pas un obstacle insurmontable à cette époque, où les « moteurs naturels » de la batellerie n’ont pas encore de concurrents. Sur cette distance, le courant fluvial descendant est utilisable sur 500 kilomètres. Allier ou Loire, sur 350 kilomètres jusqu’à Briare, puis Loing et Seine sur 150 kilomètres jusqu’à Paris. Les 50 kilomètres restants, ceux du canal de Briare, sont parcourus grâce au halage humain en « eaux mortes », donc dans de bonnes conditions énergétiques. La production des mines de l’Allier, Brassac et les mines du Bourbonnais, ainsi que celle des mines de St-Étienne en Haute-Loire croît progressivement jusqu’au milieu du XIXe siècle, où elle atteint son apogée. Le nombre des sapines construites pour transporter ce charbon augmente proportionnellement et illustre bien cette évolution. La courbe de la construction des sapi-nes de Haute-Loire, les salembardes, dont on possède les statistiques complètes, montre que l’année record est 1846. 7 560 salembardes passent à Roanne. Si l’on suppose qu’elles sont chargées à 25 tonnes, c’est une quantité globale de 190 000 tonnes qui ont été transportées à destination de Paris et de la Basse-Loire. Le tonnage des charbons de l’Allier semble avoir été plus important encore. La disparition de cette importante batellerie immédiatement après son apogée survient extrêmement brutalement; elle est achevée en 1860. La concurrence des charbons, en provenance d’autres régions, qui parviennent à Paris à meilleur prix, grâce à l’établissement simultané de canaux et de voies canalisées, abaissant considérablement les coûts de transports, est fatale.

Monistrot

La famille monistrot comporte des bateaux construits à franc-bord, à flancs verticaux et rectilignes, à levée avant courte et « cassée », à levée arrière plus courte encore et se transformant en tableau. Comme les barques primitives modernes dont le programme fonctionnel est proche, ces bateaux sont le résultat d’une régression adaptative. Paradoxalement, avec ces embarcations si incroyablement rudimentaires que l’on hésite à leur conserver le nom de bateau, nous nous trouvons en face d’une adaptation parfaite à une fonction simple : descendre une seule fois une rivière facile; le bateau étant véhiculé par le courant qui le porte. La fonction de translation n’est plus prise en compte, seule demeure la fonction de flottaison. Le bateau devient un simple flotteur étanche; lorsque la charge à transporter est réduite, et par conséquent son volume restreint, il devient simple « caisse » étanche, presqu’aussi courte que large.

Barque de Loire

Les sections anciennement navigables de la Loire, celles qui ont été utilisées par la Marine de Loire pendant des siècles, voient évoluer aujourd’hui encore sur leurs eaux des barques à deux levées ou à tableau et à levée, dont les flancs régulièrement arqués sont évasés selon un angle constant; certaines sont à franc-bord mais la plupart sont à clin. Ces barques perpétuent de façon relativement fidèle la technologie qu’il faut supposer à. l’origine de l’évolution qui mène au chaland de Loire. Depuis quelques décennies cependant, elles ne sont plus chevillées en bois mais boulonnées et clouées; la substitution du sapin au chêne est plus récente encore.

Flûte de Berry

La flûte du Berry Dans une première période, les arronçoirs et le doublage en demi-cercle (les jettros) sont maintenus; des lisses fortes pour le frottement sont superposées à l’avant. Le dispositif d’amarrage de l’avant de la flûte de l’Yonne est adopté, ainsi que le système de bâche pour couvrir la cale. À l’arrière, les modifications sont plus discrètes. Le tableau plat plus facile à construire se substitue au tableau bombé (comme sur le chaland de Loire). Les raquettes voient leur hauteur augmenter et un troisième gond d’articulation est ajouté. Lorsqu’ils naviguent en Seine (à partir de St-Mammès), les raquettes sont parfois démontées et remplacées par un gouvernail de flûte axial, suspendu au filouet transversal, dorénavant installé au-dessus du tableau. L’accroissement de la hauteur de bord fait que l’écurie s’est progressivement encastrée dans la coque, ce qui complique la sortie et l’entrée de l’attelage et nécessite une passerelle de plus en plus importante, puis une grue pour la manœuvrer, un panneau coulissant et l’extension en longueur de l’écurie pour recevoir deux bêtes. D’autre part, l’accroissement du tonnage nécessite une puissante traction, le halage humain et les petits ânes sont remplacés par des mulets plus puissants et même par des chevaux.
Lorsqu’elle navigue en rivière, en Saône surtout, la flûte du Berry est équipée d’un mât de halage de grande hauteur avec contrepoids appuyé sur l’écurie, et à l’avant, de deux petits mâts de canal. L’ensemble de ce dispositif est emprunté aux péniches du Nord. Depuis la fin du XIXe siècle, grâce à l’ouverture du pont-canal de Briare, la péniche flamande et son marinier peuvent fréquenter les canaux du Centre de la France. Avec eux, c’est une nouvelle mise en contact de traditions différentes qui s’opère, d’autres influences technologiques se font jour. Les mariniers berrichons adopteront successivement : à l’avant, le système des moustaches de protection puis la veule et son aménagement caractéristique avec ses boulards doubles et ses galoches en fonte; la grande perche à bouter avec ses esclins; les petits mâts de canal; et enfin, les dennebords surélevés et les écoutilles montées sur gotes. Finalement, c’est la péniche qui sera adaptée aux dimensions du canal du Berry (en petit nombre il est vrai) d’abord en bois puis en fer, tractionnée puis automoteur. L’évolution du bateau berrichon, du bé de cane à la flûte, puis à la péniche, illustre bien le déplacement du centre de gravité de la batellerie vers la région parisienne, dans la seconde moitié du xixe siècle et au XXe siècle.

Bateau double de Pont Réan ou penette

Le petit bassin fluvial de la Vilaine avec ses affluents l’Oust, le Den, et l’Ille, comporte tout l’éventail classique des divers modes d’aménagement fluviaux : estuaire maritime, rivières canalisées, sections fluviales non navigables mais portant bateaux et, avec le canal d’Ille-et-Rance et le canal de Nantes A Brest, d’importantes voies artificielles, liaison intérieure des deux façades Manche et Atlantique. La penette utilisée à Redon pour le transport de bois, de pierres ou de minerai est formée de deux demi-embarcations à levée avant réunies dos à dos par leur tableau vertical. Ainsi amarrées elles forment un ensemble à double levée avant et arrière. Les deux moitiés sont séparables pour faciliter certaines manœuvres sur les cours d’eau étroits ou le chargement, mais naviguaient unies puisqu’une seule possède le gouvernail et se trouve désignée comme bateau arrière.

Bateau malouin ou Le chaland de Rance

Il a peu de choses en commun avec les bateaux fluviaux du sud de la Bretagne comme le nantais ou le cahotier. Au contraire, son origine maritime en fait un bateau d’usage mixte mer-rivière-canal. Le gabarit du canal d’Ille-et-Vilaine, un peu plus important que celui des autres canaux bretons, lui permet de venir depuis Saint-Malo jusqu’à Rennes. Il est gréé avec deux mâts qui portent chacun vraisemblablement une voile au tiers pour naviguer en mer et dans l’estuaire de la Rance pas encore barré par l’usine marée-motrice. En canal, il a banalement recours au halage. Le chaland de Rance disparaît au cours de la première moitié du XXe siècle.

Chaland de la Vire

La Douve, la Vire et la Taute forment un véritable petit bassin navigable qui possède un type de bateau évolué. Son architecture, tout à fait spécifique, a connu les formes métalliques et la motorisation. Le chaland de Vire n’est connu que dans sa forme achevée. C’est l’archéologie qui, dans ce cas, permettrait d’éclairer la genèse de son architecture.

Barque de pêche de Seine

Ces barques ont conservé jusqu’au XXe siècle, la vieille forme marnoise, avec la nette localisation des points « levants » et « courbants ». Remarquer la très nette différenciation de volume antéro-postérieure, aussi bien en élévation qu’en plan. Elle est le résultat d’une mode de la théorie de l’architecture navale, très en vogue au cours de tout le XIXe siècle, et de la première moitié du XXe. On peut voir, dans ce cas, un effet de l’influence du milieu maritime sur le milieu fluvial. Une telle répartition des volumes ne présente qu’un seul avantage : permettre une bonne immersion du vivier à poissons lorsqu’il est situé à l’arrière, ce qui n’est pas le cas ici.
Elle présente l’inconvénient de diminuer encore la stabilité directionnelle, déjà mauvaise, de ce type de forme. Pour corriger ce défaut, il a été nécessaire d’installer un gouvernail-empennage, à ferrures sous la levée arrière; cet étrange appareil est typiquement parisien.

Galiote de basse Seine

Ces galiotes étaient construites d’après le modèle des yacks de Hollande, décorées de peintures agréables, de croisées avec persiennes, distribuées en salle commune et cabines ; les sièges étaient garnis de coussins de crin et de velours. Une balustrade en fer faisait le tour du tillac. Deux galiotes faisant le service (voyage) entre Paris, Sèvres et Saint-Cloud.

A Poissy il en partait une tous les jours à midi pour Rolleboise ; celle de Rolleboise arrivait à Poissy vers six heures du matin.

Besogne d’oise

La besogne est le grand bateau de la basse Seine depuis le XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe.
À partir du milieu du XIXe siècle, date de la canalisation de la Seine, de l’Oise et de la mécanisation de la batellerie lourde, elle va donner naissance à des bateaux nouveaux aux modèles plus ou moins nettement définis: les chalands en bois de la Seine et de l’Oise, les bateaux normands et picards. La variété, l’ancienneté et la qualité de la documentation font de cette famille de bateaux fluviaux une des mieux connues de notre pays.

Bateau charbonnier de la haute Seine

Le bateau charbonnier de la haute Seine est un bateau marnois. Le terme bateau marnois servira, ici encore, à désigner une famille technologique aux variantes nombreuses mais qu’il est impossible de saisir dans toute sa diversité, du fait de l’ancienneté de son origine, et de sa disparition il y a plus d’un siècle. Il se caractérise par un net resserrement des flancs aux deux extrémités dans la vue en plan, plus accentué à l’avant qu’à l’arrière. Dans certains modèles, un court seuil transversal demeure. En plan comme en profil, les formes du marnois se caractérisent par des plans rectilignes se raccordant par des courbures nettes à court rayon, pour les flancs comme pour le fond. En section, les côtés du bateau présentent un évasement nettement marqué sur les bateaux de petite taille, moins sur les plus grands. De ce fait, les extrémités se relèvent en une tonture elle aussi plus ou moins marquée. Le bateau marnois présente la particularité d’avoir un gouvernail, influencé peut-être par l’évolution contemporaine de la piautre du chaland de Loire. À la différence de cette dernière, le gouvernail du marnois verra son évolution se poursuivre jusqu’à une forme parfaitement achevée de gouvernail axial qui se maintiendra jusqu’au milieu du XXe siècle sur la flûte de Bourgogne. Ce qui permet de dire que la région parisienne a connu la genèse complète d’un appareil à gouverner spécifique, de l’aviron indifférencié au gouvernail à axe vertical parfaitement constitué.

Coche d’eau de la Haute Seine

À l’époque prémachiniste la vie matérielle repose entièrement sur les énergies naturelles. Les déplacements font intervenir la marche à. pied et les relais de chevaux. La navigation fluviale, quant à elle, assure les transports lourds en cargaisons homogènes, mais aussi celui des personnes et des paquets (au sens large de marchandises conditionnées), c’est le service du coche d’eau. Ce service s’est progressivement organisé au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, jusqu‘à devenir un service public au sens actuel du mot. Il fonctionne selon un calendrier et un horaire fixe avec un barème de prix déterminé et affiché. Tous les grands cours d’eau de notre pays ont connu des services de coches d’eau mais c’est évidemment au départ de Paris que cette navigation était la plus intense et notamment vers le Sud, ou le Centre de la France, c’est—à—dire vers l’amont par la Seine et l’Yonne ainsi que par la Marne. Le port des coches d’amont était le port Saint-Paul, situé sur la rive droite en amont du pont Marie, plusieurs départs quotidiens y étaient assurés.
Les coches d’amont acquièrent une telle importance, que, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, ils engendrent un type de bateau particulier, l’un des plus intéressants de notre histoire fluviale.

Le coche d’eau parisien est, là encore, un bateau de type local aménagé pour recevoir des passagers, en l’occurrence un bateau marnois. Équipé d’une construction fixe, d’un cabanage, il comprenait une solide couverture étanche de forme arrondie, accessible au public et sur laquelle étaient posés les paquets ne craignant pas la « mouille ».
L’intérieur était divisé en grande salle commune, cabines particulières, réduit à bagages, cantine, sanitaires, local du contrôleur, cabines du personnel (le tout étant éclairé par des petites fenêtres vitrées équipées de volets coulissants). Accès et circulation étaient assurés par des couloirs et des escaliers.
Un modèle spécifique a été créé lorsque l’on a intégré le gouvernail à la structure de l’arrière, grâce a une adaptation réciproque. Le gouvernail traditionnel du bateau marnois en est complètement transformé. Son axe est désormais vertical et court, la forme du safran s’adapte à sa nouvelle position; l’ensemble est suspendu par un épaulement de la tête de la mèche reposant sur le dessus du toit d’une petite construction (les latrines) établie en surplomb à l’arrière. La forme de l’arrière du bateau est, elle aussi, complètement transformée. La levée est supprimée au bénéfice d’un rétrécissement latéral clos par un tableau intérieur haut et étroit. Le type coche qui naît de cette transformation, apparaît brutalement. Il n’est pas le résultat d’une évolution progressive (dont on aurait du reste du mal à concevoir les étapes successives) mais celui d’une « invention », peut-être individuelle, un saut qualitatif (*). Cette invention, appelée ultérieurement à un grand avenir, a perduré puis s’est généralisée en se transformant encore au cours du XIXe siècle dans la flûte moderne que nous verrons plus loin.

Margotat de la Haute Seine

Sur la Haute-Seine, comme ailleurs sur la partie supérieure des bassins de la Loire, de la Garonne et du Rhône nous trouvons des bateaux proprement fluviaux de genèse autochtone. Technologiquement et évolutivement ils sont extrêmement proches de ces derniers. Là aussi, la pirogue monoxyle de type rectangulaire constitue la forme primitive attestée, en particulier, par une découverte faite à Argenteuil en 1967. Malheureusement, aucune des trouvailles de la seconde moitié du XlXe siècle, lors des grands travaux de canalisation, n’a été conservée ou suffisamment décrite. Il est certain cependant que cette phase a été générale, ainsi que l’atteste indirectement l’existence jusqu’à notre époque de la famille des margotats. C’est un type de bateau qui a vécu jusqu’à aujourd’hui, simultanément sous une forme évoluée et sous une forme rustique. Des photographies prises au milieu du XIXe siècle nous montrent également des formes intermédiaires. Aussi, pouvons-nous dire qu’il s’agit d’une véritable famille technologique, la seule en France à avoir maintenu jusqu’à nos jours, la forme primitive du bateau fluvial rectangulaire, attesté presque partout, mais disparu ailleurs.

Flûte d’Yonne ou de Bourgogne

La flûte de Bourgogne est un bateau de canal qui apparaît à la suite de la mise en service des canaux bourguignons vers la fin de la première moitié du XIXe siècle. Elle est une descendante du bateau marnois de la haute Seine -ce qui est loin de sauter aux yeux – par l’intermédiaire de la forme coche de celui-ci – ce qui est déjà plus concevable.D’une forme effilée à l’origine, elle va évoluer vers celles beaucoup plus pleines d’un bateau de canal. À la levée avant d’origine se substitue une étrave plus adaptée à la navigation en canal et garnie de nombreuses moustaches, tandis que le tableau arrière s’épanouit jusqu’à la pleine largeur du bateau. Cet arrière, oblique à l’origine, tend à se verticaliser, ce qui entraine la disparition progressive de la compensation du safran.

Gribane de la Somme

La gribane est une adaptation à la navigation de canal, des coques de mer de la région, gros canots construits à franc-bord et à tableau en cœur. La gribane, bien que construite à un petit nombre d’exemplaires, a connu plusieurs formes différentes.

Radeau de St Valéry

Au début de notre siécle, le radeau de Saint-Valéry atteint une taille
importante, il sert au ramassage des galets de la plage du Hourdel et à leur transport jusqu’à Saint-Valéry où ils sont mis en sac et envoyés en Angleterre, où les faïenceries en font une grande consommation.

Au XIXe siècle, le radeau de Saint-Valéry, issu des barques à deux levées de la Somme, sert notamment au lestage des navires ; il est de taille modeste et pourvu d’un petit pavois rectangulaire.

L’attelage rigide en pointe permet de former un ensemble propulsé et dirigé a la perche possédant une certaine inertie directionnelle. Le dernier radeau a achevé de pourrir ces dernières années dans le port de Saint-Valéry.

Bateau d’hortillon d’Amiens

barque traditionnelle qui a la particularité d’avoir un fond plat pour pouvoir se déplacer au mieux dans les canaux peu profond des hortillonnages amiénois. On l’appelle aussi « barque à cornets », ce nom vient du fait qu’une des extrémités de cette barque est allongée et relevée, constituant une sorte de plan incliné qui permet de passer facilement de la barque à la terre sans détériorer les rives surélevées et fragiles. Certaines de ces embarcations peuvent contenir environ une tonne de marchandises.

Bacop de St Omer

Le bacop et le guinot
Le marais de St-Omer, « Clair marais «, est très fertile, il est consacré à la culture des choux-fleurs, endives, poireaux, céleri… Il mesure deux mille hectares et comporte 56 étangs, il est sillonné par un réseau de canaux de drainage et de circulation qui permettent son assèchement par pompage permanent, autrefois au moyen de moulins à vent, aujourd’hui à l’aide de pompes à moteur ou électriques, car il est en contrebas de l’Aa. Ici les escutes, petites barques pour la circulation des personnes, sont manœuvrées debout à la pagaie à long manche, la roêpe. Les dimensions de ces bateaux se mesurent en wrangues (varangues) dont l’espacement est d’environ 45 cm d’axe en axe. Les wrangues ne sont comptées que dans la partie centrale, entre le banc à l’avant et le banstec à l’arrière. Au-delà ce sont les pics avant et arrière. La courbe arrière est le dromlot; la pagaie à long manche est la rouille ou roëpe.

Belandre de Dunkerque

La bélandre est une sœur de la péniche flamande.
 La bélandre apparaît un peu comme une caricature de la péniche, avec laquelle elle a des ancêtres flamands et néerlandais communs. En effet, ses formes sont tellement exagérées, la courbure de ses épaulures tellement puissante, que les bordés s’incurvent jusqu’à entrer dans la coque au niveau de la quille. On imagine les tensions auxquelles est soumis le bois pour être ainsi ployé. Les dimensions et performances en terme de fret de la bélandre ne diffèrent guère de celles de la péniche flamande : 38,50 m à 39 m de long, 5,05 m de large, enfoncement en canal 1,80 m pour un fret de 250 à 280 tonnes, enfoncement en rivière 2,50 m pour un fret qui peut dépasser les 350 tonnes.

Péniche du Nord

La péniche du Nord, c’est avant tout le transport du charbon pour alimenter la région parisienne. Le voyage, entre les ballages de chargement des mines et Paris, dure de deux à trois mois au début du xxe siècle. Les bateaux empruntent le canal de Saint-Quentin qui unit le bassin de l’Escaut au bassin de la Seine par l’Oise. En 1913, c’est plus de 36 000 passages qui sont enregistrés par les éclusiers, soit près de cent bateaux par jour. Le tonnage de charbon transporté cette année-là est de 5,4 millions de tonnes ! Le canal de Saint-Quentin, inauguré par Napoléon en 1810, franchit la ligne de partage des eaux à Lesdins grâce à deux souterrains.

Mignole de Meuse

La Meuse présente la particularité d’avoir donné naissance à un gouvernail axial élaboré spécifique, irréductible a tout ce que nous connaissons par ailleurs, à l’exception du gouvernail suspendu du coche d’eau parisien… Comme sur ce dernier, une mèche cylindrique traverse la levée arrière. Il possède également des appendices arrondis et gracieux mais d’un effet techniquement incertain, les servantes. Plus encore que dans le cas du gouvernail parisien, le meusan semble être le résultat d’une invention ex-nihilo, tant il est difficile d’imaginer quelle évolution progressive a pu le produire

Bricole

La sarre, affluent de la Moselle a donné naissance à un bateau spécifique apparenté à la Mignole, la bricole sarroise qui fréquentait couramment les eaux françaises.

Rheinberger

La France ne possède aucune partie du cours du Rhin dans son territoire national, mais seulement sa rive gauche, de la frontière suisse à Lauterbourg, sur cent kilomètres dans la partie supérieure du fleuve, 1a plus difficilement navigable naturellement. En effet, le fleuve divague à travers une vaste plaine, en des bras nombreux et mal fixés, au point qu’aucune ville n’a pu s’établir à son contact direct mais seulement en retrait sur ses petits affluents, comme Strasbourg sur l’III; dans ces conditions, la navigation devait se contenter d’utiliser des bateaux de taille réduite. Les travaux qui font aujourd’hui de cette partie du Rhin une grande artère économique sont tous modernes : l’endiguement de 1827 à 1855; le bassin à. flot en 1820; le grand canal d’Alsace, latéral au Rhin, au début de notre siècle et plus récemment encore la canalisation du fleuve lui-même à un vaste gabarit. L’intense navigation fluviale engendrée par ces importants travaux n’a pas été le fait de la vieille batellerie rhénanne en bois mais celui d’une puissance batellerie moderne basée sur la construction métallique et la propulsion par la vapeur. La faiblesse relative de la vieille batellerie du Haut-Rhin et 1a discontinuité historique due à l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne de 1870 à. 1918 expliquent le peu d’importance du chapitre consacré aux bateaux de bois rhénans français, alors qu’il est au contraire d’une énorme richesse pour nos voisins allemands, luxembourgeois, belges et hollandais.

Bateau de l’III

La France ne possède aucune partie du cours du Rhin dans son territoire national, mais seulement sa rive gauche, de la frontière suisse à Lauterbourg, sur cent kilomètres dans la partie supérieure du fleuve, 1a plus difficilement navigable naturellement. En effet, le fleuve divague à travers une vaste plaine, en des bras nombreux et mal fixés, au point qu’aucune ville n’a pu s’établir à son contact direct mais seulement en retrait sur ses petits affluents, comme Strasbourg sur l’III; dans ces conditions, la navigation devait se contenter d’utiliser des bateaux de taille réduite. Les travaux qui font aujourd’hui de cette partie du Rhin une grande artère économique sont tous modernes : l’endiguement de 1827 à 1855; le bassin à. flot en 1820; le grand canal d’Alsace, latéral au Rhin, au début de notre siècle et plus récemment encore la canalisation du fleuve lui-même à un vaste gabarit. L’intense navigation fluviale engendrée par ces importants travaux n’a pas été le fait de la vieille batellerie rhénanne en bois mais celui d’une puissance batellerie moderne basée sur la construction métallique et la propulsion par la vapeur. La faiblesse relative de la vieille batellerie du Haut-Rhin et 1a discontinuité historique due à l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne de 1870 à. 1918 expliquent le peu d’importance du chapitre consacré aux bateaux de bois rhénans français, alors qu’il est au contraire d’une énorme richesse pour nos voisins allemands, luxembourgeois, belges et hollandais.

Barque du Rhône

La barque du Rhône est le bateau-roi du Rhône, entre Lyon et la Camargue.
La difficile navigation sur le Rhône a engendré ces formes à la fois puissantes et élégantes d’un bateau tout à la fois manoeuvrant, hydrodynamique et porteur. La remonte se fait en convois qui comprennent jusqu’à dix bateaux de différents types et tailles, dont des savoyardes ou sisselandes, des penelles et une civadière où est embarqué le fourrage pour les animaux. Le halage, depuis la rive, nécessite de nombreux hommes et chevaux.

Barque du Delta ou Allège d’Arles

La côte languedocienne, depuis les reliefs rocheux de Fos et de St-Blaise
à l’Est du delta du Rhône, jusqu’aux contreforts pyrénéens à Collioure,
est constituée par une succession d’étangs peu profonds, alimentés
par les cours d’eau issus des montagnes proches. Elle rassemble
en quelque sorte une collection de deltas juxtaposés, du Rhône
à l’Aude. Le chapelet de ces étangs, et les graus qui les
coupent perpendiculairement, forment un réseau naturel
de circulation qui mettait en communication les
agglomérations humaines, qu’elles s’accrochent à
des îlots rocheux, comme Maguelonne,
Sète et Agde, au cordon littoral comme
Aigues-Mortes, ou qu’elles soient édifiées
en arrière de la plaine et des étangs
comme Montpellier, Pézenas, Béziers ou
Narbonne. Cette plaine aquatique est prolongée
vers l’Ouest par la plaine fluviale de l’Aude qui mène au
seuil de Naurouze, porte de la France océanique. Cet espace a été fréquenté par la navigation intérieure depuis l’antiquité et de façon plus ou moins constante jusqu’à aujourd’hui, au prix de travaux d’aménagement dont l’histoire reste encore à écrire en grande partie. Il y a là matière à recherches historiques et archéologiques. La dernière et la mieux connue de ces phases historiques, également la plus récente, est liée à la prodigieuse création d’un homme de génie : « Le canal des deux Mers en Languedoc » peut être considéré comme le plus bel exemple de canal de jonction à alimentation indépendante, conçu et construit par P.P. Riquet, achevé en 1681, et prolongé par le canal de Sète au Rhône ouvert en 1829. Les bateaux qui fréquentent ces espaces d’eau naturels aménagés et artificiels sont issus de la tradition maritime latine. Ce sont l’allège d’Arles propre au delta du Rhône, le bateau sétois particulier à l’étang de Thau et les bateaux du canal du Midi, seuls exemples dans notre pays d’une technologie de la navigation de canal directement issue du milieu maritime.

Arlequin du Doubs

Le Haut Doubs, non navigable, a conservé jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle une barque spécifique d’une forme élégante, l’arlequin. On peut le considérer comme une variante locale de la barque rhodanienne. Il en diffère par un angle bord-fond constant. Le tableau est donc de forme pinasse trapézoïdale.

Sisselande du haut Rhône

La sisselande est un grand bateau originaire du haut Rhône. C’est la ville de Seyssel, où elle est fabriquée à l’origine, qui donne son nom à la sisselande. C’est un grand bateau, capable de porter 200 tonnes sur le haut Rhône (en amont de Lyon) où la navigation est rendue difficile à cause du courant et du faible mouillage. L’architecture de ce bateau est très stéréotypée, c’est une des nombreuses déclinaisons de la forme rhodanienne. Elle n’évoluera pas vers une version métallique et motorisée, mais sa forme persistera à travers les barques rhodanienne de taille modeste.

Forquette de Saône

On peut voir encore des forquettes sur la Saône, mais elles sont en voie de disparition. Au début du siècle elles existaient en grand nombre, affectées à divers travaux, tels que dragage du sable à la main et petit transport. Aujourd’hui on ne construit plus, de loin en loin, que des modèles pour la pêche avec boutique à poissons (vivier). Ces modèles se font en trois tailles : 6 mètres, 6,50 mètres et 7 mètres. L’avant de la for-quette est constitué par un simple relèvement du fond ; ce type d’avant est très fréquent sur les rivières françaises et en particulier dans le bas-sin Saône-Rhône. Par contre, l’arrière est constitué par un étambot vertical tranchant. La forquette est conçue pour être propulsée à la perche, c’est même dans ce mode de propulsion qu’il faut voir la raison d’être de son arrière tranchant ; en effet l’homme qui manœuvre la perche étant situé beaucoup plus près de l’axe du bateau qu’avec une autre forme d’arrière, la stabilité directionnelle, toujours délicate avec ce mode de propulsion, est mieux assurée, l’étambot mince faisant en quelque sorte office d’empennage ; enfin cet arrière ne crée pas de remous de freinage lorsque la barque est en charge, à la différence du tableau, dont il est probablement une modification. Mais les petits modèles de pêche sont également propulsés à l’aviron, A ce moment-là, la marche est généralement inversée, et le bateau avance la partie tranchante en avant. Toutes les qualités de cette association, et en particulier les facilités d’accostage offertes par l’avant relevé, deviennent alors autant de défauts.

Liquette

Les barques fluviales modernes

Le bassin rhodanien connaît une intéressante famille de barques à tableau et a levée, aux flancs nettement évasés. Les unes se trouvent sur des espaces isolés des axes navigables: la liquette genevoise qui possède un tableau avant (une marotte), et l’arlequin du Doubs. Toutes deux ont un bouchain à angle constant, et peuvent être rapprochées des barques alpestres à étrave Les autres ont un angle de bouchain variable, ce sont la forquette de Saône, et la barque rhodamienne dont l’architecture est proche de celle des grands bateaux rhodaniens.

L‘intersection de deux surfaces dont la courbure est continue (ici, le fond et chaque bord), crée une structure géométriquement stable qui ne nécessite que peu ou pas de renfort structurel pour des constructions de dimensions modestes.

Bateau du lac du Bourget

Les barques alpestres :
Plusieurs lacs alpins, en France et en Suisse notamment ont connu des barques d’une morphologie particulière : fond plat, flancs nettement ouverts à angle constant, tableau et étrave inclinés. Elles portent divers noms : nau, cochères ou galères… et constituent le groupe des «barques alpestres. Malgré des différences structurelles et morphologiques fondamentales, ces barques alpestres présentent des similitudes frappantes : franche ouverture des flancs, tableau et étrave nettement inclinés, et on peut penser que l’influence maritime n’est pas étrangère à la genèse de leur morphologie. A l’inverse, leur mode de propulsion direction, avec un seul aviron manœuvré debout, à l’arrière et à droite, caractérise une vaste aire nautique spécifiquement alpestre, qui tangente la mer en Vénétie.
Ces barques alpestres sont essentiellement des barques de pêche à la senne ou au filet maillant ; cependant des grands modèles de charge ont été construits qui utilisaient la voile latine ou la voile carrée.

Bateau du lac de Genève

Les lacs alpins

Les grands lacs alpins, Léman, Annecy, sont physiquement isolés de la voie de navigation fluviale Rhône-Saône. Les bateaux qui les fréquentent au début de notre siècle relèvent de deux courants historiques différents, l’un alpin, l’autre maritime et latin.

La barque latine

Jusque dans les années trente de notre siècle, le lac d’Annecy et surtout le lac Léman sont fréquentés par de grands bateaux de charge à voiles dont toute la technologie extrêmement élaborée est maritime et latine.

L’architecture de ces grandes barques présente deux caractéristiques morphologiques liées à des technologies d’utilisation particulières qui les expliquent et les pérennisent.

Leur section transversale présente un fond plat étroit avec une quille peu saillante, mais des flancs très évasés entraînent un énorme développement du pont. Cette forme est liée à la pratique exclusive du chargement en pontée, qui présente l’avantage de réduire les opérations de chargement et de déchargement à une simple translation horizontale, alors qu’une mise en cale nécessite en outre deux transferts verticaux énergiquement et financièrement très coûteux.

Cette pratique et la section transversale qui y correspond sont constantes en Méditerranée, sinon exclusives; toutes deux sont liées à la seconde caractéristique qui se rapporte à la silhouette latérale : quille ascendante de l’avant à l’arrière avec un étambot court et une étrave longue et inclinée au brion plongeant. Cette forme est associée à la pratique de l’accostage par l’arrière et a une répartition longitudinale nettement avancée des volumes de la coque.

L’analyse fonctionnelle de la barque peut s’exprimer de la façon suivante : la différence d’enfoncement qui est inhérente à la fonction de transport lourd ne se fait pas parallèlement à la flottaison comme d’habitude, mais elle est reportée le plus possible vers l’avant; par contre l’enfoncement de l’arrière est faible et ne varie que peu qu’il soit en charge ou à vide.

La hauteur de l’arrière au-dessus de l’eau est donc relativement constante et correspond à l’élévation, également faible et immuable des quais lacustres; son enfoncement, inférieur à celui de l’avant, établit un parallélisme entre la pente du fond et l’inclinaison (inversée) de la quille. La translation du chargement peut ainsi toujours s’effectuer par simple roulage a l’aide de brouettes.

Lorsqu’on pense à l’importance des postes déchargement-déchargement dans l’économie du transport en bateau, surtout lorsque le trajet est court, on voit que la paradoxale (à nos yeux d’occidentaux océaniques) architecture de la barque latine témoigne d’une adaptation fonctionnelle parfaite, garante d’un rendement aussi élevé que possible.

La voile latine, voile de la Méditerranée occidentale, est d’une grande beauté et d’une extrême efficacité, notamment lorsqu’on fait servir deux voiles de taille équivalente comme ici. (Début du siècle}.

La barque sétoise

La barque sétoise est une extrapolation de la barque de la mer. Il semble qu’il en ait existé de différentes tailles, jusqu’à une vingtaine de mètres de longueur pour cinq mètres quarante de large. Elle conserve les caractéristiques de la barque de mer, quille axiale, pontage continu, la guibre latine ancienne qui lui fait un joli bec pointu, et, bien entendu, la voilure latine complète qui lui permet de naviguer sur l’étang de Thau où elle effectue le transport du vin en demi-muids, en cale et en pontée, entre les petits ports de Marseillan, Mièze, Bouzigues, vers Sète d’une part, et Le canal de l’autre, qu’elle peut emprunter après avoir démonté sa mature. La barque sétoise diffère de la barque de mer par sa morphologie plus allongée et une forme  générale plus proche du parallélépipède, lui donnant un meilleur port à faible enfoncement. Les dernières barques sétoises ont disparu dans les années 1970, motorisées depuis longtemps et dépourvues de leur voilure.

Bateau du canal des étangs

Canal des Etangs des Landes (dont « canal des Porges »), ce canal n’est qu’en partie une voie navigable. Le Canal des Étangs ou Craste Cabiron ou Craste de Louley est un cours d’eau reliant au bassin d’Arcachon le lac de Lacanau et le lac d’Hourtin et de Carcans. Il est entièrement dans le Département de la Gironde, en région Nouvelle-Aquitaine.

La barque de poste du canal du Midi

La navigation de la barque de poste a été instituée dès la mise en eau du canal, en vertu du statut décidé par Louis XIV (ordonnance de 1666) autorisant le seigneur du canal à y établir son propre service de navigation. Ce service de poste est semblable aux services des coches d’eau établis sur la plupart des rivières de France à cette époque.

La barque de poste ancienne nous est bien connue grâce à quelques plans conservés dans les archives du canal. Il en existait de plusieurs tailles et de plusieurs modèles, assez différents, notamment par le dessin de l’arrière et des aménagements. Elles se caractérisent cependant par une même forme générale: coque de faible hauteur, autorisée par la charge limitée (les voyageurs et leurs effets personnels); tonture fortement dessinée avec un relèvement très net à l’arrière. La vue en plan montre un avant volumineux et un arrière fin-, caractéristique de l’architecture latine. La coque est surmontée par un cabanage important, destiné à recevoir les voyageurs, salle commune, salon de première classe, chambre du patron, toilettes et bureau du receveur mis en communication par des portes d’accès et des escaliers, le tout largement éclairé par de nombreuses fenêtres et décoré avec goût.
La distance qui sépare Toulouse d’Agde, soit 230 km, était parcourue en quatre étapes d’une journée, pendant lesquelles les voyageurs couchaient trois nuits dans les auberges du canal à Castelnaudary, à Trèbes et au Somail, et prenaient sept repas. La vitesse des bateaux, en bief libre était de huit kilomètres à l’heure. Les voyageurs changeaient de bateau aux écluses multiples; ils embarquaient et débarquaient ainsi vingt-cinq fois au cours de leur voyage. La flotte de barques nécessaires pour ce service était de trente-Six unités.

Ces barques de poste anciennes ont été remplacées en 1834 par des bateaux plus rapides.

Essai de reconstitution du grand bateau de visite des administrateurs du canal du Midi. Fin du XVème Siècle.

Barque de patron

La barque de patron, dite aussi barque du canal a été le bateau ordinaire du
commerce sur le canal du Midi depuis son origine semble-t-il. La dernière
d’entre-elles a coulé de vétusté en 1982, après cent trente années de bons et loyaux services.
En 1765, il y avait trente barques de Marseillan sur le canal, quarante-trois d’Agde, dix-neuf de Cette, seize de Béziers, trois de Bouzigues. Au total deux cent vingt et une pour l’ensemble des ports du canal. En 1778, Delalande estime leur nombre à deux cent cinquante.

L’architecture de la barque de patron est issue directement de celle des bateaux maritimes languedociens, mais sa morphologie générale est spécifique et déterminée par l’adaptation à la navigation en canal. Outre son fond plat, ses flancs sont presque rectilignes et ses extrémités très pleines, surtout à l’avant, de façon à offrir le volume maximum. Avec une longueur de coque de 28m, une largeur de 5,30m et une hauteur totale au milieu de 2,40 m, la barque de patron est parvenue à sa taille définitive au début du XIXe siècle semble-t-il, à la suite d’une croissance régulière.

Elle porte 120 tonnes environ à 1,60 m d’enfoncement. Elle est entièrement pontée, comme un bateau de mer, ce qui est exceptionnel en navigation intérieure, et pour tout dire, plutôt nuisible pour la manutention de la cargaison qui se fait par l’étroite ouverture des écoutilles; ce pont de plus, est lourd et coûteux.

Le logement du patron et de sa famille est installé à l’avant du bateau avec un certain luxe.
La barque de patron a conservé son mat central aisément abattable et a inclinaison axiale variable, soit pour y hisser une voilure auxiliaire, carrée ou latine, permettant de naviguer sur l’étang de Thau ou le canal des étangs avec une brise favorable, soit surtout pour la manutention des demi-muids de vin de 800 kg qui se fait à l’aide d’un palan à poulies a violon actionné par le Cheval de halage ou d’un treuil mécanique.

La barque de patron va former l’essentiel de la flotte commerciale du canal du Midi tout au long de son existence jusqu’aux années 1970. C’est un bateau consacré exclusivement au transport de cargaisons homogènes : blé, vin, huile, sel, matériaux de construction, etc, par lots de 60 tonnes au minimum. Les frais de conduite absorbent à eux seuls le nolis du transport de 40 tonnes. Son fret principal est le vin du Languedoc en demi-muids, fret noble par excellence.

Les patrons-barquiers, entrepreneurs—navigants sont des artisans fiers de leur métier, ayant une haute idée de leur dignité; ils constituent l’aristocratie du canal.