Musée de la batellerie et des voies navigables

Avant-propos : la navigation intérieure

La navigation intérieure se pratique sur les eaux douces des fleuves, rivières et canaux et sur les grands lacs. À toutes les époques elle a joué un rôle déterminant dans notre pays car c’est elle qui, jusqu’à une date très récente, a assumé la majeure partie des transports de marchandises et de personnes.

Ce n’est pas un hasard si la quasi-totalité des grandes villes anciennes de la France sont implantées à des endroits clés du transport fluvial :

  • ports d’estuaires, au point de rupture de la navigation maritime et fluviale comme Rouen, Nantes, Bordeaux ou Arles ; confluent entre deux voies d’eau comme Lyon (Saône et Rhône), Angers (Loire et Mayenne) ou Paris (Marne et Seine) ;
  • villes-gués, villes-ports ou villes installées sur les points de rupture de la navigation des rivières… la liste est innombrable (Toulouse, Albi, Roanne, Troyes, etc.).

La construction au cours des XIIe, XIIIe siècles, des canaux artificiels permettant de relier nos grands fleuves va être à l’origine de bouleversements politiques et économiques considérables. La troisième période commence vers le milieu du XIXe siècle. La « canalisation généralisée », c’est en fait un gigantesque programme pour améliorer les conditions de navigation de nos fleuves et de nos rivières. À chacune de ces périodes correspondent des batelleries spécifiques, qui ont elles-mêmes évolué au fil des années pour s’adapter aux transports concurrents et pour profiter des nouvelles inventions (machine à vapeur, moteur à explosion, construction fer, etc.).

QUELQUES JALONS HISTORIQUES :

LE TRANSPORT FLUVIAL À TRAVERS LES ÂGES

La navigation intérieure a une histoire… encore mal connue certes, même si depuis une dizaine d’années on assiste à un regain d’intérêt pour le sujet : romans, études, films… permettent de combler une gigantesque lacune dans l’esprit de nos contemporains.

L’image du « chaland qui passe », lent et majestueux à la fois, a pu faire oublier l’essentiel : le transport fluvial n’a cessé d’évoluer, en liaison directe avec l’histoire politique, économique et technique de notre pays. L’archéologie et les sources historiques apportent maintes preuves d’une activité intense sur nos fleuves et nos rivières depuis le néolithique. Citons simplement pour mémoire, et un peu par provocation, car l’on parle beaucoup plus à l’époque romaine du formidable réseau de routes dallées que de navigation intérieure, cette phrase que Dion Cassius attribue à l’empereur Marc Antoine : « Les fleuves se couvrent de navires et non seulement le Rhône, la Saône, mais la Meuse, mais la Loire, le Rhin lui-même… » Les Gallo-Romains se sont pourtant contenté du formidable réseau hydrographique offert par notre pays. Seuls deux petits canaux de niveau sont construits, au confluent de la Saône et du Rhône et entre le golfe de Fos et les environs d’Arles. Avec la disparition de l’Empire romain, les fleuves et les rivières sont, plus que jamais, les seules véritables artères commerciales, les routes romaines sont en effet très vite laissées à l’abandon…

Le réseau navigable devient un enjeu de pouvoir et aussi un lieu de conflit entre les différents utilisateurs de la rivière. Les seigneurs laïcs et ecclésiastiques multiplient les péages ; les barrages des moulins ou les ponts mal construits deviennent autant d’obstacles à la navigation. Les marchands et les mariniers tentent bien de se défendre en se groupant, sur le modèle des nautes romains, en « jurades » ou en « hanses » ; le combat aurait été bien inégal si les rois successifs, pour des raisons autant politiques qu’économiques, n’avaient mis tout leur poids dans la balance. Ce conflit va durer des siècles ; et ce n’est pas la monarchie dite « absolue » qui fera disparaître les derniers droits seigneuriaux pour les péages de navigation, mais la Révolution…

QU’EST-CE QUE LA BATELLERIE ?

La navigation intérieure s’exerce, comme son nom l’indique, dans un milieu clos, le monde de l’eau douce. Mais celui-ci est multiforme et d’une extraordinaire diversité : lacs et étangs, rivières naturelles ou profondément modifiées par l’homme, voies d’eau artificielles (les différents types de canaux)… La batellerie est à l’image de ce monde aux multiples facettes. Le bateau de navigation intérieure, longtemps confiné dans son bassin fluvial et donc héritier de multiples traditions locales et régionales, est difficilement saisissable. Ces bateaux, souvent modestes, mais omniprésents, ont joué un rôle essentiel au coeur de la vie de notre pays : les « marins d’eau douce » et autres « capitaines de bateau-lavoir » ont permis d’alimenter les villes, de désenclaver des régions entières… Les chiffres présents du transport par voie d’eau ne doivent pas nous cacher la réalité, la navigation intérieure avait une énorme importance économique et ce, jusqu’à une période très récente. Au début du >OC siècle, huit mille péniches transportaient le charbon du Nord vers la région parisienne. À cette époque, douze à quinze mille bateaux de navigation intérieure de tous types sillonnaient notre pays ! Pourquoi avons-nous oublié que durant des siècles, le nombre et le volume de cale de la flotte étaient bien supérieurs à ceux de la flotte maritime ?