Musée de la batellerie et des voies navigables

Histoire du musée

Le musée de Conflans-Sainte-Honorine est à l’heure actuelle – mais pour combien de temps encore ? – unique en France. Il a été l’un des premiers à s’intéresser à l’histoire fluviale de notre pays.

C’est à l’initiative de Louise Weiss, présidente de la « Société des Amis de Conflans » qu’est née l’idée de créer un musée de la Batellerie en cette ville. Il s’agissait de couronner ainsi l’activité pluri-culturelle de cette asso­ciation, engagée dans le développement de bibliothèques locales ou de ren­contres artistiques… L’illustre journaliste et écrivain consulte alors Georges­-Henri Rivière, conservateur du musée des Arts et Traditions Populaires de Paris, père des écomusées. Ce dernier confie de suite l’opération à l’un de ses élèves, François Beaudouin. Ce jeune ethnologue est alors connu pour ses travaux scientifiques sur des bateaux maritimes et possède par ailleurs une sérieuse expérience de navigateur. Il est également historien et diplômé de l’École Pratique des Hautes Études. F. Beaudouin rencontre L. Weiss le 4 juin 1964. Les travaux préparatoires doivent être menés avec célérité car il s’agit d’occuper rapidement l’espace laissé vacant au « château » et promis par la Municipalité. M. André Leroy-Gourhan, professeur au Collège de France, soutient également le projet.

« Ces locaux font partie d’une construction datant de la deuxième moitié du siècle dernier. Ce bâtiment, appelé « le château », est admirablement situé en bordure du plateau qui domine la Seine ; l’une de ses petites façades surplombe le fleuve, la façade principale donne sur une esplanade bien aménagée, l’autre sur un parc magnifique. Les locaux que la municipalité entend consacrer au musée sont les suivants : la salle d’apparat, dite « des lions », située au-dessus de l’entrée d’honneur ; elle compte de belles baies vitrées, mais peu de surface d’exposition. Ensuite, toute la partie du château située au sud de cette salle, vers la Seine, actuellement occupée par le dispensaire.» Telle est la description qu’en fait le futur conservateur quand il découvre le bâtiment.

Un pré-projet est élaboré dès juin 1964, puis un programme muséographique détaillé est publié, mettant en lumière la vaste ambition de F. Beaudouin. Il s’agit tout à la fois de rendre compte des divers aspects de la vie batelière, du rôle économique de la navigation intérieure et des principes de l’architecture fluviale. F. Beaudouin souhaite rassembler des objets très variés, répartis en trois catégories complémentaires : celle des représentations de bateaux avec dessins, peintures, gravures et surtout maquettes ; celle du matériel même de la batellerie d’hier et d’aujourd’hui ; celle du fond documentaire et historique. Tout ce projet muséographique s’appuie sur la compréhension du phénomène technique. F. Beaudouin crée un musée des techniques original, dans la lignée du Conservatoire National des Arts et Métiers. Fort de son expérience antérieure, il place le bateau au cœur de son approche.

Conquis par cette entreprise d’envergure nationale, le conseil municipal adopte la délibération officielle créant le musée, le 23 juillet 1965. Après qu’une démarche ait été faite auprès de M. Jean Chatelain, directeur des musées de France, le ministère des Affaires culturelles avait donné son accord à ce projet en recommandant le titre-programme de « musée d’intérêt national de la Batellerie ».

Des appels sont lancés aux mariniers et à toutes les personnes susceptibles d’apporter leur concours à la récolte d’objets. Un mouvement d’enthousiasme se dessine et les collections prennent corps, enrichies par les premières reconstitutions scientifiques (maquettes), telles celles des bateaux de Loire. Parallèlement, F. Beaudouin effectue pour Conflans ses premières études ethnologiques. Il produit un grand diorama sur la Dordogne avec, comme pièce centrale, un couajadour d’Argentat, ou gros gabarot, chargé de douves de tonneaux et de carassones (piquets de vignes). Ainsi trace-t-il les grandes lignes méthodologiques de l’ethnologie nautique qu’il entend développer. Pour lui, cette discipline « a pour but d’étudier les activités nautiques traditionnelles ; le bateau tient une place de choix dans l’éventail de ses objets d’études. Véritable organisme artificiel autonome, étroitement intégré aux systèmes d’activité, il évolue dans le temps, s’adapte au milieu où il travaille ; il porte inscrites dans son architecture les traces des innombrables facteurs qui l’ont façonné… » Pour réaliser cet objectif, F. Beaudouin entend coupler trois démarches : une enquête de terrain pour relever des plans de petits gabarots et recueillir des témoignages oraux ; une étude attentive des publications existantes, telle celle d’Eugène Bombai intitulée La Haute-Dordogne et ses gabariers, parue en 1903 ; et enfin, une observation minutieuse de photos d’archives. Il est intéressant de noter que, dans le temps, ce travail débouchera au musée sur trois dioramas successifs, rendus nécessaires par les progrès de la connaissance scientifique sur cette batellerie. Le couple recherche-communication muséale est d’emblée affirmé.

Le projet est ambitieux, d’autant plus qu’il s’agit dès l’origine de sauver les « derniers témoins de la batellerie traditionnelle artisanale » et donc de créer une exposition de bateaux de plein air.

François Beaudouin affirme également très vite que le musée ne peut se désintéresser de la voie d’eau qui forme, avec le bateau, un couple indissociable… Il en fait un musée à vocation nationale dont le thème est « la navigation intérieure en France, sous toutes ses formes, dans toute sa durée, dans tous ses aspects ».